27/03/2016 | Commentaires ()

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Zarathoustra vient de quitter sa caverne. Il a retrouvé ses deux animaux de compagnie, son aigle et son serpent. Il déguste avec eux le bon air pur. A l’intérieur, le vieil illusionniste s’est levé, a regardé d’un air rusé autour de lui, à droite, à gauche, et s’est mis à commenter la disparition de Zarathoustra : « Il est sorti ! »
« Zarathoustra est sorti, vous autres « hommes supérieurs » – si je me permets de vous chatouiller en vous appelant comme il le fait lui-même, en vous flanquant de ce nom élogieux et flatteur d’ »hommes supérieurs ». Zarathoustra est sorti – et voilà déjà que mon grave esprit de porteur, d’illusionniste s’empare de moi, me voilà déjà de nouveau la proie de mon diable mélancolique.
Mon diable mélancolique, qui est jusqu’en son fond l’adversaire de Zarathoustra : pardonnez-lui d’être comme ça ! Le voilà qui se manifeste : il veut se présenter devant vous, il veut vous faire des tours de magie. Zarathoustra sorti, c’est son heure, maintenant. A quoi...
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20/03/2016 | Commentaires ()

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Pendant son prêche de sagesse tragique, Zarathoustra se trouvait près de l’entrée de sa caverne perchée dans les montagnes. Après ses derniers mots, après avoir exhorté les hommes supérieurs à apprendre à rire, à surmonter leur lourdeur, à devenir léger, léger comme le vent, il s’est échappé de ses hôtes : s’est enfui un court moment à l’air libre.
« O senteurs pures autour de moi, s’est-il exclamé ! O silence bienheureux autour de moi ! Mais où sont mes animaux ? Venez, venez, mon aigle et mon serpent !
Dites-moi donc, vous, mes animaux, vous qui sentez si bien les choses de la vie : ces hommes supérieurs, dans l’ensemble – ne sentent-ils pas bons ? O senteurs pures autour de moi ! Me voilà qui sais et sens seulement comment et combien je vous aime, mes animaux. »
– Et Zarathoustra a dit encore une fois : je vous aime, mes animaux ! Et l’aigle et le serpent se sont pressés contre lui, alors qu’il prononçait ces mots ; et ils levaient les yeux...
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13/03/2016 | Commentaires ()

Vingtième et dernière leçon du prêche de sagesse tragique que Zarathoustra distille à ses hôtes, les hommes supérieurs, dans sa caverne perchée dans les montagnes.
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Devenez comme le vent, vous autres hommes supérieurs ! Devenez comme le vent, quand il jaillit de ses cavernes montagneuses : quand il veut danser à sa guise, au son de sa propre flûte. Vous avez surmonté votre bassesse, vous vous êtes élevé dans les hauteurs : l’heure est venue de devenir comme le vent, qui fait frémir et tressaillir les mers sur ses pas.
Béni soit le bon esprit turbulent qui enthousiasme les imbéciles, qui donne des ailes aux ânes, qui est capable de traire les lionnes, d’extraire la substantifique moelle des êtres aux forces les plus indomptables ! Béni soit l’esprit irrépressible qui se jette aujourd’hui comme un ouragan sur toutes les choses et sur toute la populace !
Béni soit l’ennemi des têtes de chardons et des têtes fêlées, qui piquent tant et donnent si peu : il les souffle !...
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06/03/2016 | Commentaires ()

Dix-neuvième leçon du prêche de sagesse tragique que Zarathoustra distille à ses hôtes, les hommes supérieurs, dans sa caverne perchée dans les montagnes.
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Elevez vos cœurs, mes frères ! Elevez-les haut, plus haut ! Et n’oubliez pas non plus les jambes ! Elevez aussi vos jambes, vous autres excellents danseurs ! Et mieux encore : sachez les lever si haut et si bien que, loin de tomber, vous soyez encore amenés à tenir debout et à danser sur la tête !
Dans le bonheur, comme partout, il existe des animaux pesants, des balourds, maladroits de naissance. C’est étonnant de voir comment, semblables à des éléphants, ils s’évertuent à danser et à se tenir debout sur la tête.
Mais mieux vaut encore un bouffon de bonheur qu’un bouffon de malheur ; mieux vaut encore danser en balourds que de marcher en boiteux. Apprenez donc de moi cette sagesse : même la pire chose, même le plus mauvais élément, a un bon côté, et même plus : a deux bons côtés.
Même le pire phénomène...
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28/02/2016 | Commentaires ()

Dix-huitième leçon du prêche de sagesse tragique que Zarathoustra distille à ses hôtes, les hommes supérieurs, dans sa caverne perchée dans les montagnes.
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Cette couronne de rieur, couronne de rosaire, de roses, symbole de ma dignité, de mon pouvoir, de ma royauté, je me la suis moi-même mise sur la tête. Oui, parce que je n’ai trouvé personne d’assez fort pour ça, j’ai moi-même célébré, sanctifié mon rire.
Zarathoustra le danseur, Zarathoustra le léger, qui fait des signes non pas avec ses mains, ses pieds, mais avec ses ailes. Zarathoustra qui est toujours prêt à s’envoler, qui fait signe à tous ceux qui volent, à tous ceux qui sont du genre des oiseaux. Zarathoustra qui est toujours prêt, toujours disponible. Zarathoustra le béat ; Zarathoustra le bienheureux, le sans souci, l’espiègle.
Zarathoustra le diseur de vérité, Zarathoustra le rieur de vérité : non pas de la vérité fixe, toute claire, bonne et belle, mais de la vérité comme processus productif et cohérent de dévoilement du...
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21/02/2016 | Commentaires ()

Dix-septième leçon du prêche de sagesse tragique que Zarathoustra distille à ses hôtes, les hommes supérieurs, dans sa caverne perchée dans les montagnes.
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Jamais les bonnes choses ne se déroulent sans encombre ; jamais elles ne réussissent en allant tout droit. Toute réussite se joue hors des sentiers battus, passe par des chemins de traverse. A l’approche de leur bonheur, comme les chats, les bonnes choses font le gros dos, elles ronronnent intérieurement. Toute réussite a les pieds ailés, est légère – et a l’âme rieuse.
Le pas lui-même de quelqu’un révèle s’il chemine sur sa voie ou non : regardez comme je marche ! Mais regardez bien : quiconque s’approche de son but, quiconque est sur le point de parvenir à son sommet, il ne marche plus : il vole, il danse.
Et voyez, il est vrai : je suis devenu quantité de choses ; quantité de choses, mais pas une statue ; tout sauf une statue. Comme je suis loin d’être là, debout, raide, engourdi, pétrifié comme une colonne !...
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14/02/2016 | Commentaires ()

Seizième leçon du prêche de sagesse tragique que Zarathoustra distille à ses hôtes, les hommes supérieurs, dans sa caverne perchée dans les montagnes.
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Voulez-vous que je vous dise quel a été jusqu’ici sur terre le plus grand pêché, le plus grand crime ? C’est une parole : une parole de malédiction, proférée il y a longtemps, très longtemps, contre la vie ; parole qui a fait date et qui imprègne aujourd’hui encore notre vision du monde.
C’est la parole de celui qui a dit : « Malheur à ceux qui rient ici-bas ! » Mots de Jésus, défenseur des pauvres, des faibles, des opprimés ; mots de Jésus, le fondateur de notre tradition, mort sur la croix et ressuscité pour prouver l’existence de l’au-delà, de l’idéal.
Mais comment a-t-il pu dire une chose pareille ? Comment a-t-il pu souhaiter le malheur des gens qui rient ? N’a-t-il pas lui-même trouvé de raisons de rire sur terre ? A-t-il mal cherché ? Etait-il trop sérieux, trop adulte, trop moral ? Regardez autour de vous : les êtres purs,...
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07/02/2016 | Commentaires ()

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Quinzième leçon du prêche de sagesse tragique que Zarathoustra distille à ses hôtes, les hommes supérieurs, dans sa caverne perchée dans les montagnes.
Dans notre monde, plus une chose est élevée, moins elle a de chances de rencontrer du succès. Les gens préfèrent ce qui est bas, ce qui est vil, ce qui est vulgaire. Vous en savez quelque chose, vous autres hommes supérieurs : après vous être élevés au-dessus de la populace, n’avez-vous pas échoué auprès des gens ? Les gens ne vous considèrent-ils pas comme – des êtres manqués ?
Qu’importe qu’il en soit ainsi. Gardez courage ! Tant de choses sont encore possibles ! Commencez par apprendre à rire ; à rire comme il faut de vous-mêmes ! Seul le rire vous donne une chance de réussir. Si vous faites la tête, si vous grondez, si vous vous révoltez, vous aurez encore moins de succès ; vous arriverez encore moins à faire passer vos idées, votre sagesse.
A vrai dire, votre échec n’a rien d’étonnant : vous n’êtes qu’à...
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31/01/2016 | Commentaires ()

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Quatorzième leçon du prêche de sagesse tragique que Zarathoustra distille à ses hôtes, les hommes supérieurs, dans sa caverne perchée dans les montagnes.
Timides, honteux, maladroits, semblables à un tigre qui a manqué son bond : voici comment vous êtes, vous autres hommes supérieurs. Voici comment, souvent, je vous ai vu esquiver, glisser de côté après un échec, après un coup de dés manqué.
Mais qu’importent les défaites, vous autres joueurs de dés ! Dans la vie, ce n’est pas la victoire qui compte, mais la lutte : ce qu’on fait de ses expériences, comment on y réagit, comment on surmonte ses faiblesses. Vous n’avez pas appris à jouer comme il faut, et aussi à railler comme il faut dans le jeu de la vie ! Ne sommes-nous pas, nous autres humains, toujours assis à une grande table de raillerie et de jeu ?
Si vous avez manqué quelque chose de grand, est-ce à dire que vous êtes vous-mêmes – manqués ? Que vous devez avoir honte de vous-mêmes ?...
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24/01/2016 | Commentaires ()

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Treizième leçon du prêche de sagesse tragique que Zarathoustra distille à ses hôtes, les hommes supérieurs, dans sa caverne perchée dans les montagnes.
Ne soyez pas vertueux au-delà de vos moyens, vous autres hommes supérieurs ! Avec le corps comme avec l’esprit, il s’agit certes de toujours faire son possible, mais sans jamais vouloir l’impossible : exiger de soi l’improbable est une erreur !
Ne vous considérez jamais capables de tout ! Vous n’êtes pas tombés du ciel : marchez toujours sur les traces de la vertu de vos pères, des gens qui vous ont formés ! Car il est impossible de grimper seul dans les hauteurs : pour vous élever, vous devez suivre et poursuivre la volonté de vos maîtres.
Attention à celui qui veut être le premier, le seul, l’unique : il a toutes les chances de se retrouver le dernier ! C’est comme ça en matière de vertus, mais aussi en matière de vices : évitez de faire figure de saints là où se trouvent les vices de vos pères !
Prenez...
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10/01/2016 | Commentaires ()

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Douzième leçon du prêche de sagesse tragique que Zarathoustra distille à ses hôtes, les hommes supérieurs, dans sa caverne perchée dans les montagnes.
Vous autres créateurs, vous autres hommes supérieurs ! Vous le savez bien : créer n’est pas une sinécure. On ne choisit pas d’enfanter. On ne doit pas choisir d’enfanter. Celui qui enfante ne peut faire autrement. Il est malade, il souffre. Non pas d’un manque, d’un défaut, mais de trop plein : il déborde de richesse. Il est malade et doit créer parce que ça déborde, en lui ; parce qu’il doit se libérer de sa richesse, qui lui pèse, qui lui fait mal. Oh, créer, enfanter n’est pas une sinécure. C’est une charge d’autant plus lourde, d’autant plus désagréable qu’une fois que c’est fait, qu’une fois qu’on a enfanté, qu’on s’est libéré de son fardeau, loin d’être plus pur, loin d’être purifié, on est au contraire sali, souillé, impur, épuisé, tant l’enfantement exige qu’on se donne à fond.
Demandez aux femmes, vous...
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03/01/2016 | Commentaires ()

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Onzième leçon du prêche de sagesse tragique que Zarathoustra distille à ses hôtes, les hommes supérieurs, dans sa caverne perchée dans les montagnes.
Vous le savez bien, vous autres créateurs, hommes supérieurs : comme les femmes enceintes ne supportent les douleurs que pour leur propre enfant, on n’est prêt à souffrir que pour sa propre création, sa propre œuvre.
Même si la plupart dit le contraire, prétend qu’on s’engage toujours « pour son prochain », ne vous en laissez pas conter, ne vous laissez pas persuader ! Demandez-vous plutôt qui est votre prochain, qui est votre prochain à vous ? Si vous n’agissez pas que pour vous, mais aussi « pour votre prochain », pour sûr que vous ne créez pas pour lui ! Soyez honnêtes : vous ne créez que pour vous-mêmes, pour le fond mystérieux qui travaille en vous-mêmes !
Désapprenez-moi donc ce « pour », vous autres créateurs : votre saine vertu veut que vous ne fassiez plus rien « pour », « afin de » et « parce que ». Fini les buts, les idées, la causalité, les...
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27/12/2015 | Commentaires ()

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Dixième leçon du long prêche de sagesse tragique que Zarathoustra distille à ses hôtes, les hommes supérieurs, dans sa caverne perchée dans les montagnes.
Vous voulez atteindre des sommets, vous élever dans les hauteurs ? Servez-vous de vos propres jambes ! Ne vous laissez pas porter, ne vous asseyez pas sur le dos des autres : ne profitez ni de la force ni de l’intelligence d’autrui ! Soyez votre propre maître et serviteur !
Comment ? Toi, tu as grimpé sur le dos d’un cheval ? Te voilà qui galopes désormais, sans effort, aussi pressé que content vers ton but ? Bien, mon ami, c’est ton choix ! Mais attention : ton pied maladroit, paralysé, qui généralement t’empêche, est lui aussi assis sur ton cheval !
Tu verras, quand tu arriveras à ton but, quand tu auras atteint les sommets que tu convoites, quand alors, tu sauteras de ton cheval : là-haut, sur ta hauteur, justement, toi, l’homme supérieur, tu vas trébucher ! Bien sûr, tu es arrivé bien haut ; bien sûr, en te laissant porter...
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20/12/2015 | Commentaires ()

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Neuvième leçon du long prêche de sagesse tragique que Zarathoustra distille à ses hôtes, les hommes supérieurs, dans sa caverne perchée dans les montagnes.
Il s’agit aujourd’hui d’être sur ses gardes. Soyez méfiants, vous autres hommes supérieurs, vous autres hommes courageux, sincères, qui parlez à cœur ouvert : munissez-vous d’une bonne méfiance ! Retenez-vous de tout raconter et expliquer, retenez-vous de dire qui vous êtes, comment vous êtes, d’où vous venez, vers où vous cheminez et comment : taisez vos raisons secrètes, ne dévoilez rien ! Car c’est aujourd’hui la populace qui règne : les idées et valeurs vulgaires dominent et triomphent partout.
Et la populace ne comprend rien : pour le peuple, toute tentative de partage, toute explication est vaine. Aucune raison ne peut aujourd’hui renverser les valeurs et les idées auxquelles la masse a jadis appris à croire, comme ça, sans raisons, sans explications.
Voyez la place du marché : les gens se laissent convaincre par des gestes, des règles, des ordres, et non par des raisons. Les...
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13/12/2015 | Commentaires ()

|Huitième leçon du long prêche de sagesse tragique que Zarathoustra distille à ses hôtes, les hommes supérieurs, dans sa caverne perchée dans les montagnes.
Prenez garde de ne pas vivre au-dessus de vos moyens, de ne rien vouloir qui soit au-dessus de vos possibilités ! Soyez honnêtes envers vous-mêmes, authentiques : soyez ceux que vous pouvez. Il existe une grave fausseté chez ceux qui veulent plus qu’ils peuvent, qui ont les yeux plus grands que le ventre. Particulièrement quand ils veulent de grandes choses, quand ils visent les sommets : ils éveillent la méfiance à leur égard, ces subtiles faux-monnayeurs et comédiens !
Bien sûr, ils s’engagent, mais de manière inauthentique, en faisant semblant. Ils trichent, ces subtiles faux-monnayeurs ; jusqu’à ce qu’ils échouent dans leur entreprise, jusqu’à ce qu’ils se reconnaissent eux-mêmes comme les faux-monnayeurs et comédiens qu’ils sont, ils font semblant : ils ont les yeux qui louchent, ils sont du bois vermoulu, joliment vernis ; ils n’ont de cesse de tricher, de se recouvrir d’un manteau...
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06/12/2015 | Commentaires ()

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Septième leçon du long prêche de sagesse tragique que Zarathoustra distille à ses hôtes, les hommes supérieurs, dans sa caverne perchée dans les montagnes.
Jadis, l’éclair était l’arme suprême de Zeus. Il lui permettait de rétablir l’équilibre entre ciel et terre. Aujourd’hui, l’éclair n’est plus vraiment un danger. A force d’expériences et d’intelligence, l’homme a appris à se protéger de la foudre : des paratonnerres sont installés un peu partout ; et tout le monde sait comment réagir en cas d’orage. Bien sûr, la plupart se réjouit qu’il en soit ainsi, mais pas moi.
Il ne me suffit pas que l’éclair ne nuise plus. Loin de vouloir m’en protéger, le dévier, je veux au contraire le voir plus fort, le rendre plus fort – et le mettre à mon service : oui, l’éclair doit apprendre à travailler pour moi.
Voilà longtemps déjà que ma sagesse se rassemble comme un nuage. Voilà longtemps qu’elle devient plus calme, plus pleine, et à la fois plus sombre. Voilà longtemps...
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29/11/2015 | Commentaires ()

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Sixième leçon du long prêche de sagesse tragique que Zarathoustra distille à ses hôtes, les hommes supérieurs, dans sa caverne perchée là-haut dans les montagnes.
Vous autres hommes supérieurs, vous croyez que je suis là pour vous consoler, pour corriger vos erreurs ? Pour réparer vos mauvaises actions, rendre bon ce que vous avez mal fait ? Non, détrompez-vous !
Vous autres qui souffrez, qui vous plaignez, vous croyez que je veux vous préparer un lit plus confortable, plus agréable, plus mou que celui sur lequel vous vous allongez tantôt ? Un lit sur lequel vous pouvez vous reposer et vous refaire en toute tranquillité ? Non, détrompez-vous !
Vous autres errants, vous autres égarés, vous autres alpinistes fourvoyés, vous croyez que je veux vous montrer de nouvelles voies, de nouveaux sentiers, plus faciles, là-haut ? Non, détrompez-vous !
Non ! Non ! Trois fois non ! Détrompez-vous : loin de moi l’idée de vous faciliter la vie, d’être un refuge, une assurance vie. Je veux au contraire vous pousser plus loin, toujours plus loin, toujours...
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12/07/2015 | Commentaires ()

De l’homme supérieur (5)
Cinquième partie du long prêche de sagesse tragique que Zarathoustra distille à ses hôtes, les hommes supérieurs, là-haut, dans sa caverne perchée dans les montagnes.
« L’homme est méchant, l’homme est mauvais » – voilà comment m’ont parlé les plus sages, tous les plus sages : vous savez, les hommes les plus avisés, les plus réfléchis, les plus conscients et constants, les mieux pensants qui nous entourent, les plus moraux.
« L’homme est méchant, l’homme est mauvais » – voilà comment ils m’ont parlé. Vous savez pourquoi ils m’ont dit ça ? En guise de… consolation face aux innombrables actions moralement mauvaises, moralement méchantes qu’accomplissent toujours de nouveau partout les hommes. Comme si j’avais besoin d’être consolé des mauvaises actions des hommes !
Comme ils se trompaient : moi, j’avais plutôt tendance à les aimer, ces mauvaises actions, ces actions méchantes ! Si j’avais besoin d’être consolé, moi, c’est justement du fait qu’elles se font de plus en plus rares ; du fait que l’homme soit devenu tout gentil.
« L’homme est...
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05/07/2015 | Commentaires ()

De l’homme supérieur (4)
Quatrième partie du long prêche de sagesse tragique que Zarathoustra distille à ses hôtes, les hommes supérieurs, là-haut, dans sa caverne perchée dans les montagnes.
Avez-vous du courage, ô mes frères ?, demande Zarathoustra. Avez-vous du cœur ? Etes-vous vigoureux, prêt à vous battre ? Attention : je ne parle pas du courage devant témoin, qu’on a quand des gens nous regardent, quand on fait semblant, mais du vrai courage de solitaire, du courage d’aigle, qui est à l’œuvre quand personne, plus personne n’est là pour nous regarder, pas même Dieu, pas même le moindre des dieux.
Les âmes froides, qui objectivent les choses, les mulets, qui font ce qu’on leur dit, les aveugles, qui fonctionnent comme des automates, les hommes ivres, qui ne sont pas maîtres de leurs moyens, qui n’écoutent que leurs sens, qui agissent comme des bêtes, sont loin d’avoir ce que j’appelle du cœur, du courage. Ils sont tous, tels qu’ils sont, trop superficiels, trop obéissants, trop passifs ; tous...
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28/06/2015 | Commentaires ()

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De l’homme supérieur 3 |
Troisième partie du long prêche de sagesse tragique que Zarathoustra distille à ses hôtes, les hommes supérieurs, là-haut, dans sa caverne perchée dans les montagnes.
Après avoir rappelé la mort de Dieu, la dévalorisation des valeurs suprêmes et l’exigence de cheminement vers le surhomme, Zarathoustra reprend la question que se posent aujourd’hui les gens les plus inquiets : « Comment, si Dieu est mort, l’homme sera-t-il sauvegardé ? » Comment, si Dieu est mort, si tout est permis, l’homme pourra-t-il continuer à vivre ?
Mais ce n’est pas là la bonne question. Zarathoustra lui-même, lui, le seul et le premier, demande bien plutôt : « Comment l’homme sera-t-il surmonté ? » Il ne s’agit pas de « sauvegarder » l’homme, de le faire perdurer, mais de le « surmonter », de le dépasser : de dépasser l’homme tel qu’il a été jusqu’ici, comme être de raison, en direction du… surhomme.
Le surhomme me tient à cœur, continue Zarathoustra. Il est, lui, ce qu’il y a de plus important à mes yeux, mon premier...
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07/06/2015 | Commentaires ()

2 |
Deuxième partie du long prêche de sagesse tragique que Zarathoustra distille à ses hôtes, les hommes supérieurs, là-haut, dans sa caverne perchée dans les montagnes.
Zarathoustra rebondit sur la question apparue dans sa première leçon : celle de Dieu, du Bon Dieu comme garant de nos valeurs, de nos idées, dont notamment celle d’égalité entre les hommes. Zarathoustra reprend – pour mieux s’en démarquer – les propos de la plupart, qui affirme aveuglément : « Nous sommes tous égaux devant Dieu ».
« Devant Dieu ! », souffle-t-il ; mais ce Dieu, le Bon Dieu est désormais mort ! Il a perdu son efficace, comme guide des hommes ; ce sont aujourd’hui d’autres valeurs qui imprègnent le monde. Vous autres hommes supérieurs le savez mieux que personne : ce Dieu n’était-il pas votre plus grand danger ? Ne vous empêchait-il pas d’évoluer à votre guise ? De suivre votre bon sens, vos sensations profondes, votre musique intérieure à vous ? Ne vous emprisonnait-il pas dans son système de pensée et de valeurs idéalistes, optimistes, pessimistes,...
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31/05/2015 | Commentaires ()

De l’homme supérieur 1 |
Suite à son retour à sa caverne, à son mot de bienvenue et à ladite Cène, là-haut, dans les montagnes, Zarathoustra s’est mis à prêcher sa sagesse tragique à ses hôtes, les hommes supérieurs en détresse, qui se sont arrachés de leur confort pour grimper dans les hauteurs et découvrir de nouvelles vérités capables de ressourcer notre monde aux abois.
Zarathoustra leur a distillé un long prêche, composé de 20 leçons, qui viennent, les unes après les autres, à la fois résumer ses enseignements précédents et favoriser l’apparition du… surhomme.
Voici comment Zarathoustra déploie sa première leçon, en commençant par rappeler comment les choses se sont passées lors de son premier retour auprès des hommes, après dix années de solitude dans la vie sauvage des hauteurs montagneuses.
Quand je suis revenu pour la première fois parmi les hommes, raconte-t-il, j’ai fait la folie du solitaire, la grande folie : j’ai pêché par naïveté. Comme la place du marché était noire...
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10/05/2015 | Commentaires ()

Zarathoustra – La Cène
Nous sommes toujours là-haut, dans les montagnes, dans la caverne de Zarathoustra, en compagnie des hommes supérieurs qui – on se le rappelle –, en quête d’air pur, de nouvelles valeurs, de nouvelles possibilités d’existence, ont quitté la plaine, la ville, leurs congénères et ont grimpé dans les hauteurs pour rejoindre Zarathoustra et suivre ses enseignements.
Ce dernier était en train de leur souhaiter la bienvenue quand, après avoir été emporté par un élan enthousiaste pour ses enfants, ses îles bienheureuses – autrement dit son idéal tragi-comique, l’affirmation absolue de la vie ici et maintenant dont seul le surhomme est capable –, Zarathoustra s’est soudain arrêté net dans son discours. Tout à coup, malgré lui, il a été assailli de de doutes, de désir nostalgique, de crainte que son idéal ne se réalise jamais.
Après un instant de silence, le vieux devin s’est alors mis à gesticuler et, comme quelqu’un qui n’a pas de temps à perdre, s’est pressé...
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29/03/2015 | Commentaires ()

Z La bienvenue
Tard dans l’après-midi, après avoir longtemps erré en vain dans les montagnes, à la recherche de l’homme supérieur dont il entendait au loin l’appel au secours, Zarathoustra est revenu chez lui, vers sa caverne. Mais quand il s’est trouvé devant elle, à moins de vingt pas, il est arrivé ce à quoi il s’attendait le moins : il a de nouveau entendu l’inquiétant cri de détresse.
Quel étonnement : le cri venait cette fois de l’intérieur de sa propre caverne. C’était un long cri, multiple, étrange. Très vite, Zarathoustra a distingué qu’il était composé de beaucoup de voix ; bien qu’à l’entendre de loin il résonnait comme le cri d’une seule bouche. Plusieurs hommes appelaient, ensemble, au secours. D’une seule et même voix, plusieurs hommes manifestaient, ensemble, leur souffrance, leur détresse.
Zarathoustra a alors bondi vers sa caverne. Et quel spectacle ne l’attendait pas après ce concert ! Ils étaient tous assis là, ensemble, côte à côte, tous les hommes qu’il avait croisés la...
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21/12/2014 | Commentaires ()

A midiAprès avoir laissé son dernier interlocuteur, son ombre, grimper en direction de sa caverne, pour qu’il converse du bonheur avec son aigle et son serpent, Zarathoustra a repris son chemin et foulé seul la montagne. Longtemps, il a marché, il a couru, sans plus être dérangé, sans plus tomber sur personne, sans plus trouver personne d’autre que lui-même. Et il a joui de sa solitude, s’en est délecté, l’a bue à grand traits. Non sans penser des heures durant à de bonnes choses, à toutes les bonnes choses que la vie, la solitude peuvent donner à un homme comme lui, à un homme libre comme lui.
Puis, à l’heure de midi, à l’heure où le soleil se trouve exactement au-dessus de nos têtes, l’heure où la lumière est la plus vive, et les ombres les plus rares, à cette heure de midi, Zarathoustra est passé à côté d’un vieil arbre, tordu et noueux. Un arbre si richement, si amoureusement...
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02/11/2014 | Commentaires ()

L’ombre de ZarathoustraQUAND ZARATHOUSTRA A BRANDI SON BÂTON, le mendiant volontaire n’a pas tardé à s’en aller. Il a quitté en courant ses maîtres en rumination, ses vaches, pour grimper vers la caverne de Zarathoustra, où il aura l’occasion de s’entretenir du bonheur avec l’aigle et le serpent de ce dernier.
Voilà donc que Zarathoustra s’est de nouveau retrouvé seul avec lui-même. Mais pas longtemps du tout. A peine le mendiant est parti, il a entendu derrière lui une nouvelle voix. Elle lui criait : « Halte ! Zarathoustra ! Attends donc ! C’est moi, ô Zarathoustra, moi, ton ombre ! »
Soudain à bout de patience, contrarié par l’afflux de personnes dans ses montagnes, Zarathoustra en a eu assez. Il n’a pas obéi et pas attendu. « Je n’aurai donc pas le moindre moment de paix !, s’est-il dit. Mais où s’en est donc allé ma solitude ?
Tout ça me devient trop, vraiment. Toutes ces rencontres, ces gens. Mon royaume n’est plus de ce monde. Je n’ai plus rien à faire...
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23/06/2014 | Commentaires ()

Le mendiant volontaireQUAND ZARATHOUSTRA A QUITTÉ LE PLUS LAID DES HOMMES, il a soudain été pris de froid et de solitude. Beaucoup de choses glacées et singulières lui passaient par la tête. Et par le corps : la situation du monde, la laideur des hommes, le meurtre de Dieu, la perte de repères des gens, et mille autres fâcheux déséquilibres provoqués par la faiblesse humaine refroidissaient sa pensée et diffusaient jusque dans ses sens et ses membres.
Mais, malgré tout, Zarathoustra continuait à avancer dans les montagnes, toujours et encore, en direction du cri de détresse qui l’appelait au loin. Parfois en montant, parfois en descendant, passant tantôt le long de vertes et riches prairies pleines de vie, tantôt par-dessus des pierriers désertiques et sauvages, où sans doute, jadis, un impatient ruisseau aujourd’hui disparu avait fait son lit. Mais voilà que tout à coup, les sens et l’esprit aux aguets dans cette nature indifférente, à la fois pleine de promesses et de...
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23/03/2014 | Commentaires ()

Le plus laid des hommesAPRÈS AVOIR QUITTÉ LE DERNIER PAPE, Zarathoustra s’est de nouveau laissé emporter par ses pieds à travers les montagnes et les forêts. Et partout ses yeux ont cherché et cherché encore l’homme dont il entendait, au loin, le grand cri de souffrance et de détresse ; l’homme pressenti comme étant l’homme supérieur. Mais nulle part l’homme en question n’était visible. Nulle part ses yeux n’ont pu voir celui qu’ils voulaient découvrir. Cependant, chemin faisant, loin de se plaindre du caractère infructueux de ses recherches, Zarathoustra jubilait dans son cœur, reconnaissant envers ce qui lui a été réservé jusqu’ici. « Que de bonnes choses m’a offert ce jour ! », se disait-il : « En contrepartie d’avoir si mal commencé ! Quels étranges interlocuteurs j’ai rencontrés : êtres solitaires, en quête d’horizons, qui se sont élevés au-dessus de la foule !
Aussi bizarres qu’elles soient parfois de prime abord, leurs paroles n’est pas sans intérêts. Je veux maintenant les mâcher, longuement, comme de bons grains. Les ruminer....
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10/02/2014 | Commentaires ()

Hors serviceA PEINE DÉBARRASSÉ DE L’ILLUSIONNISTE, Zarathoustra a repris son chemin en direction du cri de détresse qui continuait à l’appeler plus bas. Mais, très vite, il est tombé sur un nouvel individu, assis au bord du chemin : un vieil homme, long, habillé tout en noir, le visage maigre et pâle. Apparition lourde et triste qui, forcément, n’a pas plu à Zarathoustra. Et l’a même violemment contrarié. « Malheur, a-t-il dit à son cœur : quelle est cette affliction encagoulée assise là, du genre des prêtres ? Que me veulent donc ceux-ci, les dévots, les chrétiens, dans mon royaume ?
Ce n’est pas possible ! Je viens de réchapper de l’illusionniste, et voilà qu’il faut qu’un autre noir magicien me passe en travers du chemin.
Dieu sait de quel sorcier, de quel guérisseur par simple apposition des mains il s’agit. A quel sombre thaumaturge, nécromancien ou autre faiseur de miracles de la grâce de Dieu j’ai à faire. Une chose est sûre, c’est un calomniateur du monde...
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29/12/2013 | Commentaires ()

L’illusionniste-2VOILÀ PLUSIEURS MINUTES que le vieil homme pris pour l’homme supérieur était effondré sur le sol et proférait son poème. Et plusieurs minutes que Zarathoustra écoutait sa plainte vis-à-vis de l’insupportable martyr de la vie. Plainte muée en défi face au dieu inconnu, dieu bourreau de derrière les nuages qui en est responsable. Défi qui fait que ce dernier se mette à tourner amoureusement autour de lui.
Mais, prisonnier de sa vision traditionnelle de l’amour comme douce idylle, toute de calme et de bonheur, l’homme se met alors à filer un mauvais coton et à espérer une vie qui ne soit pas que luttes et souffrances. Et le voilà qui réengage sa plainte initiale. Nullement intéressé par la mièvrerie et la faiblesse, le dieu s’en va alors sans délai voir ailleurs s’il y est ; avec pour conséquence que l’homme comprenne enfin qu’il doit accepter la vie comme elle est et se mette à implorer le retour du dieu, y compris tous...
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18/11/2013 | Commentaires ()

L’illusionniste-1Après avoir quitté le consciencieux de l’esprit, qui creuse en toute probité sa conscience, comme le fait la sangsue avec sa proie, Zarathoustra a continué son chemin vers le bas, en direction du terrible cri de détresse qu’il croit être celui de l’homme supérieur.
Alors qu’il contournait un rocher, il a tout à coup vu, non loin en-dessous de lui, sur le même chemin, un homme qui agitait ses membres – ses bras, ses jambes, sa tête – comme un fou furieux ; tellement qu’il a fini par tomber et s’écraser sur le sol. « Halte !, a alors dit Zarathoustra à son cœur. L’homme que je vois, là-bas, doit être l’homme supérieur : c’est de lui qu’est venu le terrible cri de détresse. Je n’ai pas de temps à perdre ; il faut que j’aille voir au plus vite si je peux faire quelque chose pour lui, s’il est possible de l’aider. »
Mais quand il est arrivé en courant sur place, loin de reconnaître un homme...
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20/10/2013 | Commentaires ()

La sangsueAPRÈS AVOIR RENCONTRÉ LES DEUX ROIS, Zarathoustra a continué pensivement son chemin vers le bas, en direction du cri de détresse qu’il a entendu précédemment en compagnie du devin. Chemin faisant, il pensait à sa tâche : celle de mettre l’homme sur la voie du surhomme. C’est ainsi, pensif, qu’il a traversé des forêts et passé à côté de nombreux fonds marécageux. Mais voilà que, comme ça arrive quand on à l’esprit ailleurs, et d’autant plus quand on pense à des choses lourdes et difficiles, il n’a pas regardé où il mettait les pieds et a, par mégarde, marché sur un homme couché sur le sol. Homme qui n’a pas tardé à réagir. Et comment ! D’un instant à l’autre, un cri de douleur, deux jurons et vingt dures insultes ont bondi à la figure de Zarathoustra. Dans un sursaut de peur, ce dernier n’a pu s’empêcher de lever son bâton et, par réflexe, de se mettre à frapper l’homme qu’il...
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15/09/2013 | Commentaires ()

Entretien avec les rois – 2SUR LA MÊME LONGUEUR D’ONDE que Zarathoustra, les rois se sont délectés du poème et des rimes qu’il a proférés à propos du climat de faiblesse et de destruction dans lequel la tradition chrétienne-morale a vu le jour. Le roi de gauche n’a pas manqué de transmettre à Zarathoustra son contentement : « Ô Zarathoustra, comme nous avons bien fait de nous mettre en chemin pour te voir ! D’abord, nous avons hésité à le faire…
Car tes ennemis ne cessaient de nous montrer ton image dans leur miroir : et loin d’avoir la tête que tu as là, maintenant, devant nous, tu avais, dans leur miroir transfigurateur, le regard d’un diable au rire sarcastique. Tellement que nous avions peur de toi.
Mais les bassesses de tes ennemis n’ont servi à rien ! Notre dégoût de notre monde était bien trop grand pour que nous restions sur place. Et tu nous as toujours de nouveau piqués dans l’oreille et dans le cœur...
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05/09/2013 | Commentaires ()

Entretien avec les rois – 1Zarathoustra était en route depuis moins d’une heure dans ses montagnes et ses forêts. Il cheminait vers le bas, en direction de l’effrayant cri de détresse qu’il a entendu en discutant avec le devin-prophète de la grande fatigue qui accable l’Occident. Tout à coup, il s’est retrouvé devant un étrange défilé. Juste sur le chemin qu’il voulait prendre pour continuer sa descente, s’avançaient soudain deux curieux personnages en sens inverse, montant vers lui : deux rois pédants, ornés de couronnes et de ceintures de pourpre ; et excessivement bariolés, comme des flamants-roses. Et ce n’est pas tout, ils n’étaient pas seuls : ils poussaient devant eux un âne – symbole de l’ignorance et de la bêtise ; un âne chargé de lourds fardeaux. « Que veulent ces rois dans mon domaine ? », s’est alors dit, étonné, Zarathoustra à son cœur ; avant de se hâter de se cacher derrière un buisson pour ne pas être vu par ces importuns. Mais quand les...
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17/07/2013 | Commentaires ()

Cri de détresseLE JOUR APRÈS SA DRÔLE DE PARTIE DE PÊCHE et son étrange offrande de miel au sommet de la montagne, Zarathoustra était de nouveau assis sur sa pierre, devant la caverne. Ses animaux, eux, vadrouillaient de par le monde, à la recherche de nouvelles nourritures. Et aussi de nouveau miel, car Zarathoustra a été si généreux qu’il a consommé et gaspillé jusqu’à la dernière goutte son vieux miel – aussi bien celui récolté en guise de provision que celui, symbole de bonheur, qui coulait dans ses veines et qu’il a utilisé en guise d’appât pour pêcher les hommes-poissons.
Le voilà donc de nouveau assis là, non pas, cette fois, à regarder calmement la mer au loin mais, voûté, vidé, la tête pendante, dessinant avec un bâton l’ombre de son corps sur la terre. Zarathoustra méditait ; et en vérité, contrairement à ce que sa posture pouvait laisser croire, il ne méditait pas sur lui-même ou sur l’ombre de lui-même –...
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28/06/2013 | Commentaires ()

L’offrande de mielDE NOUVEAU, LES CHOSES ONT SUIVI LEUR COURS. Sans même que Zarathoustra s’en rende compte, de nombreuses lunes et de nombreuses années ont passé sur son âme. Même s’il n’y prenait pas garde, le temps passait bel et bien ; tellement que ses cheveux sont devenus blancs. Un jour, alors qu’il était assis sur une pierre devant sa cabane, qu’il regardait calmement la mer au loin – car de là-haut, on voyait jusqu’à la mer, loin par-dessus les sinueux abîmes de terres et de gens –, ses animaux de compagnie, son aigle et son serpent, se sont mis à tourner pensivement autour de lui. Il fallait que quelque chose change. Après un moment, ils se sont enfin décidés à prendre place devant lui.
« Ô Zarathoustra, ont-ils dit alors, est-ce ton bonheur que tu cherches ainsi des yeux ? » – « Mon bonheur ? Mais qu’importe le bonheur ! Vous le savez bien : toute quête de bonheur n’est que rêverie idéaliste !, a alors répondu Zarathoustra....
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20/06/2013 | Commentaires ()

SAVEZ-VOUS OÙ, dans le monde, se sont déroulées les plus grandes folies, sources des plus grandes souffrances ? Réponse : chez les compatissants, les êtres qui, conformément à la morale chrétienne-idéaliste, ont pour vocation d’aimer leur prochain, de le prendre en pitié et de partager avec lui ses faiblesses et ses souffrances.
Pris par ce tournant, on en est venu à perdre l’équilibre et la mesure de toute chose : on s’est mis à aspirer à un monde idéal, dénué de peine et de problème ; et on a tout mis en œuvre pour le réaliser dans l’ici et le maintenant. Mais au lieu d’améliorer la situation, on a par là provoqué d’innombrables jalousies et souffrances supplémentaires.
Malheur à tous ceux dont l’amour n’est que compassion et pitié ! Malheur à tous ceux qui aiment sans avoir surmonté notre tradition, sans s’être élevés au-dessus de leur pitié ! Leur amour ne fait que stimuler la faiblesse, provoquer la jalousie – et multiplier les souffrances.
Voilà comment, un jour, le...
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05/06/2013 | Commentaires ()

Les sept sceaux-7SI JAMAIS J’AI DÉPLOYÉ au-dessus de moi des ciels tranquilles… Si jamais j’ai étendu une sphère de calme au-dessus de l’agitation des contraires qui m’entoure et me harcèle ici-bas… Si, au lieu de me laisser téléguider par un prétendu monde idéal, au lieu de me faire chahuter par mille opinions aussi égoïstes que contradictoires, j’ai réussi à devenir autonome, à me faire pousser des ailes et à m’envoler dans mes propres ciels…
Si j’ai alors baigné et joué à ma guise dans l’intensité de mes ciels … Si j’ai jubilé là-haut, dans de lointaines profondeurs de lumière… Et si, à force, ma liberté elle-même s’est vue pousser des ailes… Et si, à force, je me suis libéré l’esprit et ai gagné une sagesse d’oiseau…
Car voici comment parle la sagesse d’oiseau : « Regarde, il n’y a pas de haut et pas de bas ! Il n’y a pas de contraires : pas de bien et de mal, de vrai et de faux, de beau...
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11/05/2013 | Commentaires ()

Les sept sceaux-6SI MA VERTU EST CELLE D’UN DANSEUR athlétique et léger, et non celle d’un penseur lourd, ventripotent et malhabile… Et si, quand la plupart se vautre dans la boue, j’ai souvent eu l’occasion de bondir des deux pieds dans des ravissements inespérés, dans des enchantements d’une intensité rare, couleur or et émeraude…
Si, loin de tout sérieux, de toute lourdeur, c’est la légèreté et le rire qui se trouvent au fond de mon être… Si ma méchanceté elle-même est une méchanceté qui rit, une méchanceté qui se sent partout chez elle, aussi bien dans les ronces des coteaux de roses que dans les haies des fleurs de lys… Si rien ne l’arrête, pas même les piquants et les murs qui accompagnent les plus grandes beautés et les meilleures odeurs…
– Car vous le savez bien : le rire est rassembleur, unificateur et purificateur. Dans le rire, tout ce qui est méchant se trouve certes rassemblé sous un même chapeau, ne fait...
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01/05/2013 | Commentaires ()

Les sept sceaux-5Si j’aime la mer… Et si j’aime tout ce qui est du genre de la mer, ce qui est comme elle, d’une profondeur et d’une richesse insondables, toujours en mouvement, en va-et-vient, impossible à fixer… Et si, parmi tout ça que j’aime, ce que je préfère, c’est justement ce qui me résiste le plus fort, ce qui contredit le plus furieusement ma vieille tendance à la fixation…
Si je suis pris par cette soif d’inconnu, ce plaisir, cette envie, ce désir qui pousse les voiles vers le large, qui pousse à découvrir les horizons lointains… Si, dans mon plaisir, mon envie et mon désir, je suis porté par un plaisir, une envie et un désir de marin en quête de voyage et d’aventures…
Si jamais j’ai jubilé en me retrouvant au milieu de la mer… Si jamais j’ai exulté en remarquant qu’autour de moi tout n’était que profondeur et richesse abyssale, perpétuel va-et-vient, impossible à fixer ; que tout autour de...
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10/04/2013 | Commentaires ()

Les sept sceaux-4SI JAMAIS J’AI BU LA VIE à grands traits… Si jamais je me suis abreuvé du riche, épicé et écumant mélange que contient cette immense cruche qu’est la vie… Si jamais j’ai incorporé ce mystérieux et goûteux mélange où toutes les choses ont non seulement leur place, mais s’enrichissent, s’excitent et s’interpénètrent mutuellement…
Si jamais, rempli de cette intensité et harmonie de vie, ma main s’est attelée à unir les contraires… Si jamais elle s’est mise à arroser les choses a priori contradictoires pour les faire pousser ensemble… Si jamais elle a fondu le plus lointain dans le plus proche, et le feu dans l’esprit, et le plaisir dans la souffrance, et le pire dans le meilleur… Si jamais elle a par là fait éclater les structures, images et idées traditionnelles, qui n’ont de cesse de séparer chaque chose de toutes les autres…
Si je suis par là moi-même devenu un grain de ce sel libérateur de vie et rehausseur...
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03/04/2013 | Commentaires ()

Septs sceaux-3Si jamais j’ai été inspiré par les forces de vie… Si jamais un souffle m’est venu du grand souffle créateur de toute chose… Si jamais j’ai été porté par cette nécessité céleste qui force tout ce qui est à être ce qu’il est, cette puissance qui façonne le monde, qui force les hasards eux-mêmes à danser des rondes d’étoiles, c’est-à-dire à s’inscrire dans la cohérence musicale et cyclique du tout tragi-comique du monde…
Si jamais j’ai éclaté de rire pour rétablir l’équilibre dans le monde… Si jamais, prêt à se décharger, le sombre nuage que je suis a ri en foudroyants éclairs de rires créateurs pour éclairer les hommes de la lumière de l’avenir… Si j’ai par là, à grands coups de rayons lumineux libérateurs, affirmateurs et prophétiques, déclenché un long et grondant tonnerre d’action… Si j’ai par là mis en branle et fait obéir la productivité de la vie elle-même…
Si jamais j’ai joué aux dés avec des dieux…...
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27/03/2013 | Commentaires ()

Les sept seaux-2SI JAMAIS MA COLÈRE A BRISÉ DES TOMBES pour laisser respirer nos vieux morts et redonner de l’air aux anciennes sagesses trop vite oubliées… Si jamais ma colère a repoussé des frontières, des bornes, des limites, pour élargir les horizons et ouvrir de nouvelles possibilités d’existence… Si jamais ma colère s’est occupée des vieilles tables de valeurs brisées en les jetant dans d’abruptes profondeurs pour se débarrasser une fois pour toutes des dogmes moraux qui stérilisent la vie…
Si jamais mon sarcasme a fait voler en éclats des vieux mots pourris, si mon rire à pulvérisé de vieilles formules creuses, incapables de dire et de servir la vie… Si jamais je suis venu comme un balai chez les araignées porteuses de croix, si je n’y suis pas allé de main morte pour débarrasser le monde des infatigables et astucieuses tisseuses de toile, toujours aux aguets, prêtes à bondir sur leurs proies et à les vider de leur sang… Si jamais...
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21/03/2013 | Commentaires ()

SOUS-TITRÉS « LE CHANT DU OUI ET AMEN », « Les sept sceaux » font écho à l’Apocalypse de la Bible, où Jean présente la terrible révélation (apokalupsis) que lui a faite Jésus-Christ des séries de fléaux qui vont s’abattre sur terre avant la fin du monde. L’une de ces séries lui est précisément dévoilée à l’ouverture d’un petit livre scellé de sept sceaux (avant tout chapitre 6). Leur descellement par l’agneau de dieu annonce la multiplication des fausses séductions, guerres, famines, malheurs, morts, jugements derniers et autres cataclysmes qui marquent la fin des temps.
Les sept sous-chapitres « Des sept sceaux » de Zarathoustra répondent à leur manière, musicalement inversée, à l’Apocalypse biblique : loin de dévoiler l’ultime sagesse chrétienne – la négation absolue du monde ici-bas pour le paradis post mortem –, ils représentent autant de strophes dudit chant du Oui et de l’Amen : l’affirmation inconditionnée du monde ici et maintenant comme éternel retour du même en son va-et-vient tragique en direction du surhomme.
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Les sept seaux-1
Si...
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05/03/2013 | Commentaires ()

Chant de minuitSUITE À LA CLARTÉ DU MIDI et à la chaleur du jour, la lumière a commencé à décliner et les ombres se sont mises à grandir. La fraicheur du soir s’est installée – et la nuit a fini par tomber. Impossible dès lors de se fier aux apparences : les contours sont devenus flous, les structures vagues, les phénomènes indistincts. Finis la lumière, la clarté, la distinction, la précision ; finis la stabilité, l’assurance, la confiance, les mille et un réflexes objectivant et autres automatismes quotidiens. Tout est désormais sombre, trouble, obscur, ambigu, inquiétant, anxiogène ; au point que même notre claire raison ne nous est plus d’un grand secours.
C’est le milieu de la nuit : la vieille et lourde cloche de la tradition se met à résonner tel un bourdon à partir des profondeurs abyssales ; jusque dans la caverne de Zarathoustra ; et jusque dans la tête de Zarathoustra. Et voilà qu’en dépit de son amour de la vie, en dépit de...
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27/02/2013 | Commentaires ()

ZARATHOUSTRA VIENT DE REGARDER une nouvelle fois la vie dans les yeux. Loin de sombrer comme jadis dans ses abyssales profondeurs, il y a cette fois vu scintiller de l’or. S’en est suivi une discussion entre Zarathoustra et la vie ; discussion qui a dévoilé l’étrangeté de leur rapport : rapport enfantin de désir et de crainte, d’affection et de violence, d’amour et de haine à la fois. Alors que, jusqu’ici, Zarathoustra s’est toujours plié aux exigences de la vie, a toujours été à sa merci, le voilà qui veut soudain à son tour la faire danser et crier. Pour cela, il n’hésite pas à faire claquer son fouet.
*
L’autre chant de danse, 2
Voilà comment la vie a répondu au claquement de mon fouet, non sans boucher ses délicates oreilles :
« Ô Zarathoustra ! Mais ne frappe pas si affreusement avec ton fouet ! Ne fais pas tant de bruit ! Tu le sais bien, non ? Le bruit tue les pensées ! Et notre charmante discussion, notre délicieux partage...
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12/02/2013 | Commentaires ()

UN SOIR, ALORS QU’IL TRAVERSAIT LA FORÊT, Zarathoustra était tombé sur une clairière où dansaient en toute légèreté des jeunes filles. Après leur avoir indiqué qu’elles n’avaient rien à craindre de lui – lui, l’ennemi de l’esprit de lourdeur, l’ami de leur dieu préféré : dieu enfantin, innocent, joueur –, il a entonné pour elles un chant de danse.
Ce dernier retrace la discussion que Zarathoustra venait d’avoir avec la vie, sa bien-aimée, après l’avoir regardée dans les yeux, avoir sombré dans ses profondeurs et en avoir été repêché à l’aide d’un hameçon d’or. Moqueuse, la vie s’était montrée en sa nature propre : non seulement désirable, changeante et sauvage, mais encore méchante et fausse. En tout une femme, comme la sagesse (de vie) de Zarathoustra lui-même… Mais, alors que ce dernier était sur le point de comprendre tout cela, la vie avait soudain rouvert son œil ; et Zarathoustra a de nouveau eu l’impression de sombrer dans son insondable profondeur.
Depuis, Zarathoustra a...
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03/02/2013 | Commentaires ()

Ô MON ÂME, regarde tout ce que j’ai fait pour toi : tout ce que je t’ai appris ; tout ce dont je t’ai débarrassé et tout ce que je t’ai donné !
Du grand désir nostalgique
Ô mon âme, j’ai révolutionné ton rapport au temps et à l’espace. Je t’ai appris à dire « aujourd’hui » comme « jadis » et « autrefois » ; je t’ai appris à vivre le temps non plus comme simple suite mécanique des maintenants, mais comme durée ; je t’ai appris à inscrire chaque instant dans l’ensemble du temps – passé, présent et futur – régi par l’éternel retour du même. Et je t’ai appris à expérimenter l’espace non comme complexe d’endroits séparés mais comme ensemble englobant de tous les lieux de la terre : je t’ai appris à danser ta ronde en même temps par-dessus tout « ici », tout « là » et tout « là-bas ».
Ô mon âme, je t’ai libérée de tous les recoins et structures artificiels ; j’ai arrondi tes angles : de compliquée, tortueuse et carrée que tu étais,...
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23/01/2013 | Commentaires ()

ON EST LE MATIN, DANS LA CAVERNE DE ZARATHOUSTRA. Le porte-parole de la vie, de la souffrance et du cercle qu’il est vient de se lever d’un bond de sa couche en poussant un cri terrible. Il a été assailli par sa pensée la plus profonde, la plus abyssale, depuis toujours présente, mais depuis trop longtemps endormie : la pensée de l’éternel retour du même. L’heure est venue qu’elle se lève, qu’elle remonte à la surface, qu’elle quitte l’obscurité pour la lumière. A grands cris et grand-peine, Zarathoustra est finalement parvenu à la faire émerger et à la faire parler : « Ah, me voilà sauvé ! Te voilà qui arrives, – oui, je t’entends venir à moi ! Me voilà sauvé ! Viens ! Donne-moi ta main ! Que ma surface et ma profondeur s’unissent et cheminent ensemble, que l’union des contraires triomphe, que tout devienne décidément différences de degrés du même ! », s’est alors réjoui Zarathoustra. Avant de gémir soudain : « Ah ! Non, laisse ! Arrête-ça ! Ah ! Ah ! –...
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17/01/2013 | Commentaires ()

Le convalescent_1UN MATIN, PEU DE TEMPS APRÈS ÊTRE RETOURNÉ À SA CAVERNE, Zarathoustra s’est levé d’un bond de sa couche, en criant comme un fou, d’une voix terrible ; et en se comportant comme s’il y avait, à côté de lui, sur son lit, quelqu’un qui ne voulait pas se lever. Et le cri de Zarathoustra était si puissant, résonnait si fort qu’il a terrorisé tous les animaux alentour.
Impossible ici de ne pas se rappeler cet autre hurlement, mentionné par Zarathoustra sur le bateau en partance des îles bienheureuses : celui du chien de berger, hurlant à côté de son maître se tordant de douleur sur le sol, étouffé par un noir serpent dans la bouche. Berger que Zarathoustra avait finalement sauvé en le poussant à mordre la tête de l’animal et à la cracher au loin. Libération qui avait eu pour conséquence de métamorphoser le pâtre, qui s’était alors mis à rire comme jamais un homme n’avait ri. Rire dont Zarathoustra...
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07/01/2013 | Commentaires ()

Ô TOI MA VOLONTÉ, ma double volonté : en même temps ma petite volonté individuelle, faculté qui me permet de prendre librement mes décisions ; et ma grande volonté, qui me permet de les prendre comme il faut, en conformité avec le monde ! Toi, moteur de tout ce que j’entreprends, de tout ce que je dois entreprendre, tournant de toute nécessité, de toute misère en bonheur ! Toi ma nécessité ! Ô ma volonté, préserve-moi de toutes les petites victoires qui ne font que satisfaire l’ego et détournent de la route qui conduit à la grande victoire !
Toi, ma volonté, toi qui guides et destines en toute nécessité mon âme, toi que j’appelle destin ! Toi qui es à la fois ma petite volonté en moi et la grande volonté au-dessus de moi ! Allez, préserve et réserve-moi, par-delà toutes les petites victoires, une grande destinée, un grand destin !
Et ton ultime grandeur, réserve-la pour ton ultime haut-fait, ton ultime victoire ! Et pourvu que tu sois suffisamment grande...
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03/01/2013 | Commentaires ()

« POURQUOI ES-TU SI DUR ! – a demandé un jour le charbon de cuisine au diamant ; ne sommes-nous donc pas tous deux du carbone ? Ne sommes-nous pas de proches-parents ?
Pourquoi êtes-vous si mous ? Ô mes frères, voilà ce que moi, je vous demande : n’êtes-vous donc pas – mes frères ? Ne voulez-vous pas, comme moi, briser les derniers hommes, affronter la mer et voguer en direction du surhomme ?
Pourquoi, au lieu d’être durs, êtes-vous si mous ? Pourquoi, au lieu de vous endurcir, de vous renforcer, avez-vous tendance à mollir et à fléchir ? Pourquoi, au lieu d’être portés par l’acceptation et l’affirmation de toutes choses, y a-t-il tant de dénégation, de reniement dans votre cœur ? Pourquoi êtes-vous à ce point repliés sur vous-mêmes ? Pourquoi y a-t-il si peu de destin dans votre regard ?
Quoi ? Vous ne voulez pas être durs ? Vous ne voulez pas être des destins, des hommes inexorables ? Mais comment alors pourrions-nous faire équipe ? Comment alors pourrions-nous vaincre ensemble ?
Quoi ? Vous ne voulez être que...
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31/12/2012 | Commentaires ()

QUOI, VOUS ME FUYEZ ? Vous êtes effrayés par ce qui vous arrive ? Ma mise en garde contre les bons et les justes vous fait trembler ?
Ô mes frères, mais à quoi vous attendiez-vous quand je vous ai poussé à briser les bons et les justes et les valeurs des bons et des justes ? Vous croyiez que ce serait sans conséquences pour vous et pour l’homme en général ? Détrompez-vous : ce n’est que par là que j’ai arraché l’homme de la terre qu’il exploite et assèche ; que je l’ai libéré du désert rationaliste et moraliste dans lequel il vit depuis la nuit des temps ; ce n’est que par là que je l’ai embarqué sur sa haute mer, en direction du surhomme.
Si, par le passé, l’homme a rencontré la peur, la suspicion, la maladie et quantité d’autres choses qui lui ont donné la nausée, il a toujours su résoudre ses problèmes par son intelligence et ses croyances. Rivé qu’il était sur ses idées de...
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25/12/2012 | Commentaires ()

Ô MES FRÈRES, AVEZ-VOUS DONC COMPRIS MA PAROLE, ma mise en garde contre les bons et les justes ? Et ce que j’ai dit jadis, il y a longtemps, sur le « dernier homme », vous l’avez compris ? Vous vous rappelez, le plus laid, le plus méprisable des hommes : l’homme d’aujourd’hui, cultivé, imbu de lui-même, qui se croit la mesure de toute chose, qui ratatine tout alors même qu’il est incapable d’enfanter quoi que ce soit ! Vous vous rappelez ? L’homme dont il s’agit de venir à bout !
Dites-moi, les bons et les justes ne représentent-ils pas le plus grand danger pour l’avenir de l’humanité ? Ne sont-ils pas précisément les plus laids des hommes, les hommes les plus méprisables, les « derniers hommes » ? Ceux qu’il faut à tout prix surmonter pour pouvoir avancer en direction du surhomme ?
Allez, brisez, brisez-moi les bons et les justes ! Brisez-moi les plus laids des hommes, les « derniers hommes » et toutes les valeurs qu’ils incarnent ! – Ô mes frères, vous avez compris...
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19/12/2012 | Commentaires ()

Ô MES FRÈRES, QUELS SONT LES HOMMES QUI RECÈLENT LE PLUS GRAND DANGER pour l’avenir de l’humanité ? N’est-ce pas ceux qu’on appelle les bons et les justes ?
N’est-ce pas ceux qui, attirés par la lumière de l’idéal, aveuglés par l’idée traditionnelle de bonté, de vérité et de justice, croient savoir et sentir dans leur cœur ce qui est bon et juste ? Ceux qui, forts de leurs croyances, n’hésitent pas à le faire entendre et imposer partout ? Ceux qui, sûrs et fiers de leur savoir, vont jusqu’à vouer au malheur ceux qui, dans le domaine de la morale et de la justice, cherchent encore ?
C’est un comble : ceux qui sont jugés mauvais ou méchants sont au fond moins dangereux que les bons et les justes. Quel que soit le dommage qu’ils font, il est moins grand, moins profond que celui des bons et des justes !
Quel que soit le dommage que commettent ceux qui méprisent le bon équilibre des phénomènes, ceux qui calomnient le...
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15/12/2012 | Commentaires ()

REGARDEZ, LE SAGE SPÉCIALISTE DES VIEILLES ORIGINES ne peut se contenter de sa sagesse historique : il finit toujours par se mettre en quête des sources de l’avenir ; il se met toujours à la recherche de nouvelles origines. Etudier le passé pour lui-même ne mène à rien ; l’étude de l’histoire n’a d’intérêt que si elle est utile pour l’avenir.
Ô mes frères, la période de crise que nous vivons est annonciatrice de grands changements. De nouveaux peuples vont bientôt émerger ; de nouvelles sources bientôt jaillir et gronder vers le bas, et se ressourcer dans de nouvelles profondeurs, aujourd’hui négligées.
Certes, le tremblement de terre que nous vivons détruit et ensevelit beaucoup de fontaines et de puits, provoque quantité de soif et d’épuisement, mais fait en même temps venir à la lumière un grand nombre de forces et de secrets cachés.
Le tremblement de terre a du bon : il révèle de nouvelles sources. En détruisant de vieux peuples, il permet à de nouveaux peuples...
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07/12/2012 | Commentaires ()

VOUS VOULEZ VOUS MARIER ? Veillez à ce que votre mariage ne soit pas une mauvaise conclusion ! Assurez-vous d’avoir trouvé la bonne personne. A toute conclusion hâtive, erronée, s’ensuit – le mariage brisé !
Vous êtes déjà marié ? En cas de mauvaise conclusion, mieux vaut encore le mariage brisé que le long mensonge et le mariage tordu qui dure ! Voici ce que m’a dit une femme qui s’est séparée de son mari : « Certes, j’ai brisé le mariage, mais le mariage m’a d’abord brisée – moi ! »
Ecoutez ce que j’ai pu observer : il n’y a rien de pire, rien de plus vindicatif que les couples mal-assortis. Ils sont tellement frustrés de ne pas pouvoir vivre et courir seuls qu’à la moindre occasion, ils s’en prennent à autrui, font des remarques déplacées, ou simplement secouent la tête.
Voilà donc comment je veux que les gens honnêtes qui s’aiment se prononcent vis-à-vis du mariage : « Nous nous aimons, certes, mais ce n’est pas une raison pour nous pousser au...
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01/12/2012 | Commentaires ()

VOICI COMMENT JE VEUX QUE SOIENT LES HOMMES ET LES FEMMES : les hommes doivent être prêts pour la guerre, les femmes prêtes à faire des enfants. Mais attention : tous deux doivent toujours être prêts à danser ; et pas seulement avec le corps, mais aussi avec la tête. La lourdeur et le sérieux des guerriers doit les conduire à devenir de légers joueurs ; et la souffrance et le sentiment de responsabilité des futures mères se muer en plaisir et en insouciance.
Il doit en être comme ça pour tout le monde : et chaque journée où nous n’avons pas dansé, ne serait-ce qu’une fois, ne serait-ce qu’un peu, nous devons la considérer comme une journée perdue ! Et chaque vérité que nous avons prononcée sans éclat de rire, fût-il tout petit, nous devons la considérer comme une erreur ! La danse et le rire sont le plus important dans toutes nos entreprises, corporelles et intellectuelles, comme résultat du dépassement de la lourdeur et du sérieux.
***
Traduction...
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22/11/2012 | Commentaires ()

SI LES GENS DE LA POPULACE recevaient leur pain quotidien gratuitement, sans le moindre effort, ce serait une catastrophe ! Très vite, ils ne penseraient qu’à se divertir ; ils deviendraient irresponsables et se mettraient à se plaindre de tout et de rien, à crier à hue et à dia. Que ce soit clair : les gens doivent gagner leur vie, souffrir pour s’entretenir : que leur entretien soit leur seul et juste divertissement !
On a beau vouloir faire des gens des animaux de compagnie, au fond, ce sont des bêtes de proie. Regardez : quel que soit leur « travail », c’est une sorte de vol ; chacun de leur « gain » est une sorte de supercherie ! C’est pourquoi rien ne doit leur être donné : tout ce qu’ils désirent, ils doivent le gagner au prix d’un effort ! Sinon c’est la catastrophe : le triomphe du divertissement, de l’irresponsabilité et de la révolte !
Plutôt que de vouloir en faire des animaux de compagnie, il faut que les gens deviennent de meilleures bêtes...
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09/11/2012 | Commentaires ()

J’AIME LES BRAVES QUI NE SE LAISSENT PAS FAIRE. Les gens courageux qui, quand il faut, n’hésitent pas à dégainer. Mais ce n’est pas assez d’être sabreur, d’avoir la main leste, il faut encore savoir à qui on s’en prend, qui on sabre !
D’ailleurs, à bien y regarder, se retenir et passer outre est souvent plus brave que d’embrocher le premier venu. Pourquoi ? Parce que, de la sorte, on se réserve pour l’ennemi qui en vaut vraiment la peine !
Non pas l’ennemi le plus ignoble, le plus vil et le plus méprisable, mais l’ennemi le plus digne d’être détesté : le plus dur, le plus fort, le plus authentique et le plus cruel. Comme je l’ai déjà dit une fois : il faut pouvoir être fier de son ennemi.
Réservez-vous pour l’ennemi qui en vaut vraiment la peine, ô mes amis ! Or pour ce faire, vous devez passer outre beaucoup de choses.
En particulier outre la nombreuse racaille démocratique qui vous bassine les oreilles avec son...
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02/11/2012 | Commentaires ()

Ô MES FRÈRES, VOUS ME TROUVEZ PEUT-ÊTRE CRUEL, mais je ne peux faire autrement que transmettre les enseignements qui me traversent. C’est pourquoi je me dois de vous dire que ce qui perd l’équilibre, ce qui tombe, il faut encore le pousser !
Nous vivons aujourd’hui une période de déclin, de dégénérescence. Tout ce qui nous entoure a tendance à chuter, à se délabrer. Evidemment, dans cette situation, notre réflexe traditionnel, moral, serait de vouloir le retenir, l’entourer, l’aider, mais moi – je veux encore le pousser ! Et vous voir faire de même ! Loin de vous enseigner à freiner la chute, je vous apprends à accélérer le processus de délabrement.
Connaissez-vous la jouissance de la chute, la volupté qui fait rouler les pierres dans des profondeurs abruptes ? Non ? Vous ne la connaissez pas ? Vous refusez cette joie qui fait pourtant partie intégrante de la vie ?
Mais regardez donc avec quel plaisir les hommes d’aujourd’hui roulent dans mes profondeurs, se précipitent dans mes abîmes ! Regardez...
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25/10/2012 | Commentaires ()

POUR NE PAS ÊTRE TOUT LE TEMPS EMPÊCHÉ, je trace des cercles autour de moi. Je délimite mes sphères par de saintes frontières : d’un côté il y a ceux qui peuvent m’épauler, de l’autre ceux qui n’en sont pas capables. Comme les montagnes sur lesquelles je grimpe sont toujours plus hautes, il y a forcément de moins en moins de monde autour de moi. Et les montagnes qui composent le massif montagneux que je construis ne sont pas toujours plus hautes, mais aussi toujours plus saintes.
Mais quel que soit l’endroit où vous voulez grimper avec moi, ô mes frères, prenez garde qu’aucun parasite ne grimpe avec vous !
Qu’est-ce que j’entends par parasite ? Toute vermine rampante et collante qui veut se nourrir de vos faiblesses, qui veut s’engraisser à vos recoins malades et écorchés.
Et attention : s’il y a un art ou le parasite excelle, c’est dans celui de deviner les endroits où les âmes qui grimpent vers les hauteurs sont fatiguées. Aussi...
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17/10/2012 | Commentaires ()

Ô MES FRÈRES, IL Y A DEUX TYPES DE TABLES de valeurs qui façonnent nos esprits : celles créées par la fatigue et celles créées par la paresse qui fait tout pourrir. Bien qu’elles se disent différentes et veulent être entendues différemment, elles sont au fond les mêmes : les secondes ne sont que des reprises vides des premières. Laissez-moi vous les présenter à l’aide d’un exemple.
Regardez cet homme, là : il a tant travaillé à créer des tables de valeurs qu’il est en train de mourir d’épuisement ! Il a beau être tout près de parvenir à réaliser son but qui est de créer un ensemble idéal de tables de valeurs, il n’a pas réussi à boucler la boucle ; de fatigue il s’est couché là avec entêtement dans la poussière. Regardez, il n’en peut plus, ce brave !
De fatigue il baille face au chemin qui s’avance toujours et encore devant lui, face à la terre qu’il n’arrive pas à intégrer dans son système, face...
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10/10/2012 | Commentaires ()

VOICI LA BARQUE DE LA MORT. Et là-bas, en face, c’est peut-être l’entrée dans le grand néant de la mort. Mais qui donc veut grimper dans ce « peut-être » ? Qui donc veut se risquer dans l’incertitude de la mort ?
Nul d’entre vous n’est assez fort pour grimper dans la barque de la mort ! Pourquoi alors voulez-vous continuer à vous présenter comme ça, en pessimistes, en êtres fatigués du monde, fatigués de la vie ?
Vous avez les jambes lourdes, l’esprit lourd, vous vous dites fatigués du monde ! Mais vous continuez à vivre normalement ; vous ne vous êtes même pas retranchés du monde ! Au contraire : à chaque fois que je vous ai vu, je vous ai trouvés plein de désirs, plein de convoitises terrestres ; amoureux de tout, y compris de votre propre fatigue terrestre !
Ce n’est pas pour rien que votre lèvre pend, que vous faites la moue : un petit désir terrestre y est encore attaché ! Et dans votre œil – n’y flotte-t-il pas un petit...
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04/10/2012 | Commentaires ()

« APPRENDRE EST DANGEREUX POUR LA VIE : quand on apprend beaucoup de choses, on désapprend le désir, on endort la violence du désir pour devenir purement intellectuel » – voilà ce qu’on se chuchote aujourd’hui dans toutes les sombres ruelles.
« D’une manière générale, tout effort fatigue. La sagesse elle-même, qu’on peut atteindre par l’apprentissage, est fatigante. Rien, nul effort – ne vaut la peine. Ce qu’il faut, c’est ne rien désirer, ne rien vouloir, laisser les choses se faire et se défaire comme elles le veulent ! » – cette nouvelle doctrine de la passivité, cette nouvelle table de valeurs, se répand aujourd’hui un peu partout ; je l’ai trouvée suspendue jusque sur les marchés publics.
Ô mes frères, comme toutes les autres vieilles tables de valeurs, brisez-moi aussi celle-ci ! Vous savez qui l’a suspendue sur vos têtes ? Les fatigués du monde, les prédicateurs de mort, les maîtres ès bâton, les forces de l’ordre. Regardez-la bien, cette table de valeurs : elle veut faire de nous des...
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27/09/2012 | Commentaires ()

VOICI CE QUE DISENT LES PIEUSES PERSONNES, les gens des arrière-mondes, qui se réfugient dans le monde idéal, abstrait, pour mieux se détourner du monde ici-bas. Si je le sais, c’est que je les ai entendu parler à leur conscience. En vérité, je les ai entendu parler comme ça, sans la moindre intention de malice ou de fausseté, – alors même qu’il n’y a rien de plus faux ni de pire au monde :
« Laisse-donc le monde être le monde ! », se disent-ils quand ils se voient poussés à transformer et améliorer comme le fait la plupart le monde qui les entoure et leur déplaît. « Laisse-le être comme il est ! N’essaie surtout pas de le changer, ne lève pas le moindre doigt contre lui ! »
Ou encore, dans une situation de violence entre deux personnes : « Quoi ? Quelqu’un veut étrangler, embrocher, taillader et écorcher son prochain ? Là non plus, ne lève pas le moindre doigt contre lui ! Laisse-le faire ! N’essaie surtout pas de l’en empêcher : c’est...
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23/09/2012 | Commentaires ()

« POUR CELUI QUI EST PUR, TOUT EST PUR ; la vie est d’une pureté sans borne » – voilà comment parle le peuple. Mais moi, je parle un autre langage. Moi, je dis : pour les porcs qui se vautrent dans la saleté, tout, à la longue, devient une immense porcherie !
Voilà la raison pour laquelle les doux rêveurs ou exaltés qui avancent tête baissée en direction de l’idéal, et dont le cœur tire finalement lui aussi vers le bas – tant leur idéal est inatteignable, et tant ils sont entourés d’impuretés –, sont convaincus que « le monde entier est un monstre d’ordures, un immense et dangereux cloaque ».
Mais ces gens, bien qu’ils visent la pureté et ne voient autour d’eux qu’impureté, sont des esprits malpropres. Parmi eux, les pires sont ceux qui ne se contentent pas de pester de temps en temps contre la saleté du monde qui les entoure, mais qui n’ont de cesse de s’en plaindre ; qui ne trouvent leur...
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13/09/2012 | Commentaires ()

« A QUOI BON VIVRE ? TOUT EST VAIN ! La vie ne vaut pas la peine d’être vécue ! Vivre – c’est battre la paille. Vivre – c’est travailler et souffrir sans raison. Vivre – c’est brûler pour rien, se consumer sans jamais se réchauffer. »
Aujourd’hui encore, ce type de bavardage vieillot passe pour de la « sagesse ». Mais si on honore de tels propos, c’est uniquement parce qu’ils sont vieux et sentent le renfermé ; et qu’on a la fâcheuse habitude de vénérer tout ce qui est vieux et sent le renfermé. C’est chez nous devenu un réflexe : par définition, tout ce qui est ancien est noble ; tellement qu’on va jusqu’à dire que la moisissure ennoblit.
Sur ce point, les enfants disent spontanément exactement la même chose que les prétendus sages. Ils se prononcent comme eux : s’ils craignent le feu, c’est parce qu’il les a brûlés ! Avant que ça arrive, ils ne s’en soucient pas. Regardez les vieux livres de la sagesse : on y trouve beaucoup...
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04/09/2012 | Commentaires ()

Ô, MES FRÈRES, JE VOUS INDIQUE UNE NOUVELLE NOBLESSE et vous y consacre : devenez pour moi les témoins, les semeurs et les cultivateurs d’un avenir régi par une nouvelle noblesse !
En vérité, la noblesse dont je parle, vous ne pouvez l’acheter comme des denrées aux épiciers, avec de l’argent, de l’or d’épicier. Vous le savez aussi bien que moi : tout ce qui a un prix n’a au fond que peu de valeur ; seul ce qui est gratuit, ce qu’on ne peut pas acheter vaut vraiment quelque chose.
Et il ne s’agit pas non plus d’une noblesse innée. Vous le savez tout aussi bien : ce qui vous rend nobles et honorables ne provient nullement de l’endroit d’où vous venez, de votre origine, mais au contraire du lieu où vous allez et des faits et gestes que vous accomplissez pour y parvenir ! Oui, ce n’est pas votre sang, votre filiation, mais votre volonté et votre pied qui fait de vous quelqu’un de noble...
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27/08/2012 | Commentaires ()

CE QUE JE VOIS DU PASSÉ ME DONNE UN SENTIMENT DE PITIÉ, DE COMPASSION, tellement il est abandonné :
Abandonné à la grâce, à l’esprit et à la folie interprétative des nouvelles générations. Oui, chaque nouvelle génération interprète à sa guise les événements du passé, les utilise pour en faire un pont, un appui sur lequel s’avancer !
Et cette situation n’est pas sans danger : un grand homme de pouvoir, un grand despote pourrait venir ; un monstre roué, malin, qui, avec sa grâce et sa disgrâce, forcerait et asservirait tout le passé : et le transformerait jusqu’à ce qu’il soit pour lui un pont, un appui sur lequel s’avancer comme il lui chante ; un signe annonciateur, un héraut de tout avenir, un chant du coq.
Mais ce n’est pas tout. Cette situation implique encore un autre danger, qui génère lui aussi compassion et pitié envers le temps passé. Il est lié au fait que, dans le bas-peuple, on soit sans mémoire ; dans la populace en effet,...
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17/08/2012 | Commentaires ()

« TU NE VOLERAS PAS ! TU NE TUERAS PAS ! » A l’époque, par chez nous, les commandements de ce genre couraient les rues. On les considérait même comme saints. On faisait tout pour les honorer : on s’agenouillait, courbait l’échine et allait jusqu’à enlever ses chaussures devant eux.
Mais je vous demande : y a-t-il un endroit au monde où il y a eu de plus grands voleurs et de plus grands assassins que par chez nous, là, justement, où ont triomphés de tels commandements pourtant considérés comme saints et vénérés partout ? Non !
Comment il se fait qu’il en soit ainsi ? Je vais vous le dire : du fait que ces commandements sont en désaccord avec la réalité de la vie. Voilà pourquoi notre monde a été marqué et continue à être marqué par un très grand nombre de vols et de meurtres. Mais dites-moi : n’est-il pas, dans certaines circonstances, bon de voler et de tuer ? Le vol et le meurtre n’est-il pas parfois nécessaire pour rétablir...
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01/08/2012 | Commentaires ()

IL EXISTE UNE VIEILLE FOLIE qui s’appelle Bien et Mal. Qu’on le veuille ou non, tout le monde en est imprégné ; tout le monde a le regard rivé sur les valeurs traditionnelles et se demande sans arrêt ce que vaut telle ou telle chose, si elle est bonne ou mauvaise. Jusqu’à aujourd’hui, la roue de cette folie a tourné autour des devins et des astrologues : ce sont eux, qui prédisent l’avenir et lisent dans les étoiles, qui ont à ce jour été les maîtres du Bien et du Mal.
Contrairement à ce qui se passe aujourd’hui, on croyait jadis aux devins et aux astrologues. Raison pour laquelle on croyait que « Tout est destin : tout ce que tu fais, tu le fais parce que tu dois le faire, parce que c’est écrit dans les étoiles, parce que tu n’as pas le choix ! » Jadis, aucune de nos actions n’était la réponse de nos petites idées ou envies personnelles ; chacun de nos actes se...
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24/07/2012 | Commentaires ()

LÀ OÙ ON PEUT MARCHER SUR L’EAU, sur des planches posées sur l’eau, là où des rampes et des passerelles enjambent le fleuve, celui qui déclare que « Tout est dans le fleuve » passe logiquement pour un fou. En vérité, même s’il a raison, celui qui prend là à son compte le fameux « Tout coule » attribué à Héraclite se décrédibilise auprès de ses congénères.
Même les moins avisés, les balourds le contrediront : « Comment, tout est dans le fleuve, tout coule ? Mais ouvrez donc les yeux, mon cher ami : les planches, les rampes et les passerelles placées par-dessus le fleuve ne coulent pas le moins du monde, non ? »
« Regardez ! Par-dessus le fleuve tout est ferme : tous les ponts, tous les concepts, toutes les valeurs traditionnelles des choses, tout le « bien » et le « mal » : tout ce qui est placé sur le fleuve est bien ferme ! »
Et c’est plus vrai encore quand vient l’hiver, quand le dur hiver, le dompteur de fleuve transforme les abords du fleuve...
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09/07/2012 | Commentaires ()

ÊTRE VRAI, CE N’EST PAS FACILE ; c’est même tellement difficile qu’il n’y a que peu de personnes qui en sont capables ! Et parmi ceux qui en ont les moyens, seuls quelques-uns veulent et choisissent de l’être ! Et de tous, ce sont ceux qu’on appelle les bons, les hommes de bien, qui ont le moins le moyen d’être vrais : les hommes qui, façonnés par la morale traditionnelle, tendent aveuglément au Bien.
Oh les hommes de bien ! Guidés qu’ils sont par la raison et les idées morales, ils sont bien incapables de dire la vérité ; quoi qu’ils fassent, ils mentent ; chez eux, tout est automatiquement mensonge ; leur esprit est comme une maladie pour le corps et pour le tout.
Si les bons sont incapables d’être vrais, c’est qu’ils sont faibles, c’est qu’ils ne supportent pas la vie ; aussi s’inventent-ils des histoires : ils cèdent volontiers, n’ont pas de courage, se rendent facilement à l’opinion d’autrui ; leur cœur ne fait que répéter ce qui se dit ;...
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01/07/2012 | Commentaires ()

OH, MES FRÈRES, VOUS LE SAVEZ : depuis la nuit des temps, le premier-né est toujours un sacrifié. Or nous sommes nous-mêmes des premiers-nés : les premiers-nés d’un nouveau type d’hommes qui, au lieu de régresser au singe et à la machine à force d’aspiration à des idéaux préfabriqués, vise le surhomme.
Blessés par le commun des mortels, nous saignons sur des autels secrets ; condamnés par la vision du monde de la plupart, nous brûlons et rôtissons au nom des vieilles idoles et vieilles valeurs qui guident depuis la nuit des temps les hommes.
Etant donné que ce que nous avons de meilleur en nous est encore jeune et vigoureux, en plein devenir, les vieux gosiers en raffolent. Oui, notre viande est tendre, notre pelage est celui d’un agneau : comment serait-il possible que nous ne tentions pas les vieux prêtres des vieilles idoles !
Et ne nous en cachons pas : il habite encore en nous-mêmes, le vieux prêtre des vieilles idoles qui, pour son festin, se...
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15/06/2012 | Commentaires ()

PAR NATURE, LES ÂMES NOBLES ne veulent rien avoir pour rien : rien ne doit leur arriver comme ça, gratuitement, par hasard, pas même la vie. Pour les âmes nobles, tout doit se mériter, être le fruit d’un effort ; la vie elle-même – et la vie avant tout – leur apparaît comme une récompense.
Seul l’homme vulgaire, l’homme de la populace veut vivre pour rien ; d’où sa devise de maximum de plaisir pour un minimum d’effort. Mais nous autres à qui la vie s’est donnée comme elle s’est donnée, en sa noblesse et surabondance, nous ne cessons de nous demander ce que nous pouvons lui donner en retour, à la vie, quel est le meilleur que nous pouvons lui donner en échange !
Et en vérité, telle est notre noble parole : « La promesse que nous fait à nous la vie – celle de pouvoir la vivre comme nous le faisons, en sa noblesse et surabondance, et par suite en son cheminement vers le surhomme...
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08/06/2012 | Commentaires ()

REGARDEZ, IL Y A LÀ UNE NOUVELLE TABLE DE VALEURS : mais où sont donc mes frères qui m’aident à la porter dans la vallée et dans les cœurs musclés ?
Voici ce que commande mon grand amour pour les hommes les plus lointains : n’épargne pas ton prochain ! Car l’homme est quelque chose qui doit être surmonté ; et si on est trop tendre avec lui, si on le ménage, au lieu de le renforcer, de le conduire vers le surhomme, on l’affaiblit, on le conduit à sa perte, le fait régresser à l’animal.
Bien sûr, il existe de multiples chemins et de nombreuses manières de se surmonter : à toi de trouver ceux qui te conviennent ! Mais une chose est sûre : il ne faut pas les chercher dans la facilité ; il n’y a que les farceurs qui croient qu’« il suffit, pour surmonter l’homme, de lui sauter par-dessus » ; qu’on peut, comme ça, du jour au lendemain, passer de l’homme au surhomme.
Voici ce que tu as à...
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30/05/2012 | Commentaires ()

C’EST LÀ AUSSI, EN CHEMIN, EN VOLANT VERS LE LOINTAIN, que j’ai ramassé le mot « surhomme », et que j’ai remarqué que l’homme était quelque chose qui devait être surmonté.
C’est là que je me suis rendu compte que l’homme, loin d’être une fin, un but en soi, n’est qu’un pont, une passerelle entre l’animal et le surhomme. Ainsi, s’il se loue de son midi et de son soir, de son apogée et de son déclin, de ses victoires et de ses défaites, c’est au fond comme chemin vers de nouvelles aurores, de nouvelles possibilités.
La parole proférée par Zarathoustra sur le grand midi – moment où le soleil est au zénith, où la clarté est la plus grande, l’ombre la plus infime, moment où le soleil, sur le point de décliner, célèbre son cheminement vers le soir, le crépuscule, la mort, comme unique chemin vers de nouvelles aurores –, cette parole et toutes les autres que Zarathoustra a suspendues au-dessus de l’homme...
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23/05/2012 | Commentaires ()

1.
ME VOILÀ ASSIS ICI À NE RIEN FAIRE, à ne rien faire d’autre qu’attendre, entouré à la fois de vieilles tables des valeurs brisées et de nouvelles tables à moitié écrites. Assis ici, à me demander quand viendra mon heure.
L’heure de ma descente, de mon déclin solaire de là-haut : car une fois encore, une dernière fois, je veux quitter la solitude et aller vers les hommes ; une dernière fois, je veux me risquer chez eux pour leur enseigner la sagesse tragique qui me traverse, me guide et me porte.
Si j’attends maintenant, assis là, c’est que je ne veux rien forcer. Avant de partir, des signes doivent me venir, m’indiquer que mon heure est venue : j’attends de voir rire le lion et voler un essaim de colombes dans le ciel.
Entre-temps, je me parle à moi-même, comme quelqu’un qui a toute la vie devant lui. Etant donné qu’il n’y a, par ici, personne capable de me dire quoi que ce soit de...
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08/05/2012 | Commentaires ()

1.
MA LANGUE BIEN PENDUE – EST CELLE DU PEUPLE. Tellement que je parle de manière trop grossière et trop cordiale pour les gens de bien, les lapins sans cœur mais au pelage de soie. Et mon langage résonne de façon encore plus étrangère aux oreilles des plumitifs, des poissons qui barbotent dans l’encre et autres gratte-papiers dont la plume est aussi rusée qu’un renard.
Ma main – est une main de bouffon. Elle ne peut se retenir de dessiner : malheur à toutes les tables, toutes les parois et tout ce qui a encore de la place pour des ornements et des gribouillages de bouffon !
Mon pied – est un pied fourchu. Grâce à lui je trotte et galope par monts et par vaux, en long et en large, le diable au corps, rempli de joie chaque fois que je cours vite.
Mon estomac – n’est-il pas un estomac d’aigle ? Car de tous les aliments, c’est la viande d’agneau qu’il préfère. Une chose est...
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25/04/2012 | Commentaires ()

APRÈS S’ÊTRE RÉVEILLÉ DE SON DERNIER RÊVE DU MATIN, dans lequel il se voyait peser le monde, Zarathoustra poursuit de jour son aventure en plaçant les trois plus grands maux du monde humain sur une balance : la volupté, la manie de dominer et la manie de soi – autrement dit le plaisir des sens, le despotisme et l’égoïsme. Le voilà qui les présente, tant bien que mal, selon diverses perspectives.
Volupté, plaisir des sens : une épine et même un pieu pour tous les contempteurs du corps en pénitence, pour tous ceux qui dénigrent la dimension charnelle de la vie, qui se réfugient dans la seule pensée et visent le paradis. Volupté, plaisir des sens, un phénomène maudit comme « monde » de l’ici-bas par tous les prédicateurs de l’au-delà, par tous ceux qui prêchent des arrière-mondes, des mondes idéaux ; car la volupté n’a que faire des théories des enseignants de trouble et d’erreur ; elle s’en moque, elle les nargue.
Volupté, plaisir des sens : le...
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13/04/2012 | Commentaires ()

CE MATIN, DANS MON DERNIER RÊVE, je me trouvais au-delà du monde, sur un promontoire montagneux. Je tenais une balance à la main et pesais le monde.
Oh, dommage que la jalouse aurore soit venue si tôt ! Son rougeoiement m’a réveillé, m’empêchant de terminer mon rêve ! Les braises de mon dernier rêve du matin la rendent toujours jalouse.
Mais voilà comment mon rêve a trouvé le monde : mesurable pour celui qui a du temps, pesable pour le bon peseur, atteignable pour les ailes puissantes, devinable pour les êtres divins qui savent casser les noix et découvrir ce qui se trouve caché sous les coquilles.
Mon rêve : un audacieux navigateur, moitié bateau, moitié bourrasque de vent, taciturne comme les papillons, impatient comme les nobles faucons. Ah, comme il était aujourd’hui patient et avait du temps pour la pesée du monde !
Ma sagesse lui a-t-elle parlé en secret ? Ma rieuse sagesse diurne, ma sagesse de veille qui se moque de tous les « mondes infinis », de tous...
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24/03/2012 | Commentaires ()

OH SOLITUDE ! TOI, SOLITUDE, MON CHEZ MOI ! Alors que la plupart des gens est triste de se retrouver en ta compagnie, moi, c’est sans la moindre larme à l’œil que je reviens chez toi. Oui, je suis resté tellement longtemps – trop longtemps – parmi les hommes, en sauvage, dans le lointain sauvage des hommes, que c’est un bonheur de retourner chez toi ; bonheur synonyme de retour chez moi, à la maison.
Tu peux bien, désormais, me menacer du doigt, comme menacent les mères ; me sourire, comme sourient les mères ; me demander : « Qui est jadis parti de moi en coup de vent, comme un vent tempétueux ?
« Qui a, en partant, crié qu’il est resté trop longtemps assis auprès de moi, tellement longtemps qu’il y a désappris à se taire ! Cela – te taire –, pour sûr que tu l’as désormais appris, les hommes bavards te l’ont appris !
« Oh Zarathoustra, je sais tout : aussi que toi, l’unique, tu t’es senti plus abandonné parmi les...
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13/03/2012 | Commentaires ()

LOIN DE TOUTE FRAÎCHEUR PRINTANIÈRE, les choses et les gens rencontrés par Zarathoustra sur les chemins détournés le conduisant à sa caverne étaient marqués par l’automne. Se rappelant son labeur d’abeille butineuse réalisé par le passé, il s’est soudain demandé en soupirant :
Ah, tout ce qui, sur cette prairie, était récemment encore vert et plein de couleurs s’est-il déjà fané et est-il déjà devenu gris ? Combien de miel de l’espoir n’ai-je porté d’ici à mes ruches ! Tous mes efforts ont-ils été vains ?
Comme ces jeunes cœurs sont déjà vieux ! Ou non, je me trompe : ils ne sont pas vraiment vieux, mais seulement fatigués, communs, commodes ! Les voilà qui disent : « Nous sommes redevenus pieux ».
Encore récemment, je les voyais sortir de chez eux tôt le matin, plein d’allant, d’un pied ferme et courageux, à la découverte du monde : mais leur pied de la connaissance s’est vite fatigué. Les affirmateurs curieux qu’ils étaient se sont transformés en calomniateurs ! Négateurs, ils se sont mis à décrier...
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04/03/2012 | Commentaires ()

C’EST AINSI, PAR DES VOIES DÉTOURNÉES, cheminant lentement à travers de nombreux peuples et toutes sortes de villes, que Zarathoustra retournait vers sa montagne et sa caverne. Et voici que, ce faisant, il est inopinément arrivé à la porte de la grande ville. Là, un bouffon écumant a bondi sur lui les mains écartée et s’est mis en travers de son chemin. Ce n’était nul autre que l’individu que le peuple appelait… « le singe de Zarathoustra ». Pourquoi ? Parce qu’il reprenait à Zarathoustra sa manière et le ton de ses discours et ne manquait jamais, dans ce qu’il disait et faisait, de puiser dans le trésor de sa sagesse. Voilà comment le bouffon a alors parlé à Zarathoustra :
« Oh Zarathoustra, c’est ici la grande ville : tu n’as rien à y chercher ; tu as bien plutôt tout à y perdre.
Pourquoi voudrais-tu patauger dans cette boue ? Aie donc pitié de ton pied ! Crache plutôt sur la porte de ville et – passe ton...
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21/02/2012 | Commentaires ()

DURANT L’HIVER, UN HÔTE DIFFICILE vient s’installer chez moi à la maison : le froid. Dès qu’il arrive, il me sert la main en signe d’amitié – et voilà que j’ai mes mains qui virent au bleu.
Certes, comme toute chose, je l’honore, cet hôte difficile, mais je le laisse aussi volontiers assis seul chez moi. Oui, il me plaît de l’abandonner. Et c’est là chose aisée : pour se défaire de lui, il suffit de se mettre en mouvement, de marcher, de bien marcher ! Et pas seulement en pensées…
C’est les pieds chauds et les pensées chaudes que je quitte la maison et avance me mettre à l’abri du vent, vers le coin ensoleillé de mon mont des oliviers.
Et là, je ris de mon hôte sévère, non sans lui être en même temps reconnaissant de la bonne influence qu’il a sur mon chez moi durant mon absence : car il m’attrape encore les mouches et étouffe maints petits bruits qui se font entendre sinon....
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11/02/2012 | Commentaires ()

QUAND JE ME MÊLE AUX GENS DU PEUPLE, je ne reste pas silencieux mais laisse entendre maintes paroles. Et pourtant les gens passent à côté de ce que je dis : ils ne savent ni saisir ni garder mes déclarations.
Ils sont surpris de me voir comme je suis. Ils s’étonnent que je ne sois pas venu parmi eux en moraliste, pour les dénigrer, et dénigrer en particulier ce qui touche au corps, aux plaisirs et aux vices ; et pour les mettre en garde de manière générale devant ce qui pourrait leur nuire. En vérité, ils sont même surpris que je ne sois pas venu pour leur dire de se méfier des pickpockets !
Ils s’étonnent du fait que je ne sois pas prêt à m’occuper de leur intelligence, que je ne m’efforce pas de l’aiguiser et la rendre plus drôle. Les gens sont incroyables : ils en demandent toujours plus, comme s’ils n’en avaient pas encore assez des innombrables malins du genre, dont les...
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03/02/2012 | Commentaires ()

1.
QUAND ZARATHOUSTRA ÉTAIT DE NOUVEAU SUR LA TERRE FERME après son voyage en mer, il n’est pas retourné directement dans ses montagnes et sa caverne, mais a emprunté quantité de chemins déjà bien connus. Curieux de voir ce qui s’est passé avec l’homme, il a refait son trajet de jadis en sens inverse. Non sans sonder les choses et se poser de nombreuses questions. Procédant ainsi, il s’est lui-même taxé en plaisantant de « fleuve tortueux qui remonte vers sa source ! » Comment l’homme a-t-il évolué depuis son premier passage ? Est-il devenu plus grand ? Ou au contraire plus petit ? Quelle ne fut pas sa surprise quand il est tombé sur une rangée de nouvelles maisons, qui venaient visiblement d’être construites ! Le voilà qui a alors demandé :
« Mais que signifient ces maisons ? Qui a pu les placer là ? Quel genre d’âme faut-il avoir pour bâtir de telles maisonnettes ? En tout cas pas une grande ! Elles apparaissent bien plutôt comme le symbole même de la...
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26/01/2012 | Commentaires ()

Avant le lever du soleilÔ CIEL AU-DESSUS DE MOI, TOI LE PUR ! Toi le profond ! Toi l’abîme de lumière ! Je frissonne de désirs divins en te regardant comme ça, à l’aube, tant tu es intense, puissant et serein dans l’équilibre de tes contraires.
Me lancer dans ta hauteur – voilà ma profondeur ! Me cacher dans ta pureté – voilà mon innocence !
Comme le dieu voile sa beauté, c’est voilé de pureté que tu caches tes étoiles. Et comme le dieu, tu n’as pas besoin de parler pour me témoigner ta sagesse.
Muet au-dessus de la mer mugissante, tu t’es aujourd’hui ouvert à moi. Et voilà que ton amour et ta pudeur se révèlent à mon âme, elle aussi mugissante, comme la mer.
Tu es venu vers moi dans toute ta beauté, voilé de pureté dans ta beauté. Tu n’as même pas besoin d’ouvrir la bouche pour me parler, tant ta sagesse est évidente :
Ô, ciel au-dessus de moi, comment n’ai-je deviné toute la pudeur et...
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02/01/2012 | Commentaires ()

Z-De la béatitude contre-volonté
APRÈS AVOIR ABANDONNÉ LES ÎLES BIENHEUREUSES et s’être séparé de ses amis, c’est ainsi, le cœur rempli d’énigmes – du genre de celles du nain et du portique instant, ou alors du chien hurlant aux côtés du jeune berger mordu en plein gosier par un terrible serpent –, c’est ainsi, le cœur rempli de telles énigmes et débordant d’amertumes solitaires, que Zarathoustra a vogué sur sa nouvelle mer en direction de nouveaux horizons. Mais quelques jours de voyage en haute mer lui ont permis se refaire. A quatre jours seulement de distance de ses amis, il avait en effet déjà surmonté toute sa souffrance. Alors qu’il a été d’abord en retrait, courbé et réticent, l’esprit lourd et plein de mystères, il se tenait désormais de nouveau debout, en vainqueur, le pied fermement posé sur son destin. Voilà comment il a alors parlé à sa conscience réjouie :
*
Me voici de nouveau seul. Et voulant être seul. Me voici de...
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25/12/2011 | Commentaires ()

Z-De la vision et de l’énigme
1.
ÉTANT DONNÉ QU’UN HOMME DES ÎLES BIENHEUREUSES est monté en même temps que Zarathoustra à bord du bateau, le bruit de la présence de ce dernier a tôt fait de parvenir aux oreilles des matelots. Suite aux dires de l’homme, une grande curiosité et une grande attente est née à son sujet. Pourtant, Zarathoustra était tellement froid et sourd de tristesse, tellement envahi par ses sombres pensées, qu’il est d’abord demeuré en retrait. Deux jours durant, il est resté dans son coin, muet, sans répondre au moindre regard ou à la moindre question. Ce n’est que le soir du second jour qu’il est progressivement sorti de sa torpeur. Comme il y avait quantité de choses intéressantes, étranges et dangereuses, qui se disaient sur le bateau, le curieux qu’il est s’est alors rouvert au monde. Tout en continuant à se taire, il a commencé à se remettre à écouter. Oui, l’embarcation et les gens qui s’y...
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17/12/2011 | Commentaires ()

« VOUS REGARDEZ VERS LE HAUT, quand vous exigez de la hauteur, pour vous fixer un but. Et moi je regarde en bas, parce que je suis élevé, parce que je suis déjà en hauteur.
Qui d’entre vous peut en même temps rire et être élevé ?
Celui qui grimpe sur la plus haute montagne rit de tous les jeux de deuil et sérieux de deuil. »
Zarathoustra, « De l’écriture et de la lecture » (I, 7)
*
C’est sur le coup de minuit que Zarathoustra a pris son chemin par-dessus la crête de l’île. Il est parti au milieu de la nuit pour arriver au petit matin sur l’autre rive : car c’est là, de l’autre côté de la montagne, qu’il voulait embarquer vers de nouveaux horizons. Il y avait en effet là une bonne rade, où non seulement des bateaux de la région, mais aussi étrangers, venaient jeter l’ancre. Des embarcations qui emmenaient quantité de personnes voulant traverser la mer depuis les îles bienheureuses. Chemin faisant, en grimpant...
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10/12/2011 | Commentaires ()

QUE M’EST-IL ARRIVÉ, MES AMIS ? Vous me voyez défait, troublé, entraîné, malgré moi docile, prêt à partir – ah, mes amis, quelque chose me force à me séparer de vous !
Oui, Zarathoustra ne peut plus rester parmi vous ; Zarathoustra doit une nouvelle fois retourner dans sa solitude. Et cette fois, c’est sans joie que l’ours retourne dans sa caverne ! Oui, contrairement aux autres fois, où j’étais content de partir, où j’avais besoin de quitter les gens pour me refaire, il m’est cette fois difficile de vous abandonner, tant je commençais à vous aimer.
Que m’est-il arrivé, mes amis ! Qui me pousse ainsi ? Qui ordonne cela ? Ah, je ne veux rien vous cacher : c’est ma furieuse maîtresse qui veut qu’il en soit ainsi ! C’est elle qui m’a dit que je devais vous quitter. Mais vous ai-je déjà parlé de ma terrible maîtresse ? La connaissez-vous ? Vous ai-je déjà dit comment elle s’appelle ?
Mon heure la plus silencieuse, tel est son nom. Et voilà que pas...
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02/12/2011 | Commentaires ()

CE N’EST PAS LA HAUTEUR QUI EST TERRIBLE, mais la pente pour y parvenir !
Quand les gens sont sur une pente abrupte, ils sont pris par un double sentiment, de peur et de désir : ils ont en même temps leur regard qui sombre vers le bas, vers l’abîme, et leur main qui se tend vers le haut, vers les sommets. Ils sont marqués par une double volonté : à la fois d’éviter la chute et de parvenir à grimper. Et voilà que leur cœur se trouve pris de vertige.
Ah, mes amis, devinez-vous la double volonté de mon cœur, de mon cœur à moi, bien différent de celui de la majorité des gens ?
Êtes-vous étonnés si je vous dis que ma pente et mon danger sont à l’envers de la plupart ? Loin d’être marqué par la peur, mon regard ne s’élance pas vers le bas, mais vers le haut. Et ma main, loin de tendre vers les hauteurs, voudrait bien plutôt se tenir et...
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25/11/2011 | Commentaires ()

UN JOUR OÙ ZARATHOUSTRA A TRAVERSÉ LE GRAND PONT qui conduit à la partie de la ville qui est pleine d’estropiés et de mendiants, il s’est vu apostrophé en ces termes par un bossu :
« Regarde, Zarathoustra ! Ton enseignement n’est pas vain : même le peuple apprend de toi et fait toujours plus confiance à ta doctrine. Mais pour qu’il puisse te croire complètement, te faire entièrement confiance, il faut encore que tu fasses quelque chose : tu dois encore nous convaincre nous, les estropiés ! Regarde, tu as ici un joli choix d’infirmes ; c’est en vérité une occasion à ne pas manquer ! Le mieux serait que tu fasses comme jadis Jésus-Christ : guérir des aveugles, faire courir quelques paralytiques ; et tu pourrais aussi enlever un peu de poids des épaules de celui qui en a trop. Ce serait, je pense, le bon moyen pour que les estropiés croient en toi, Zarathoustra ! »
Mais voilà comment, Zarathoustra a répondu à son interlocuteur, renouant avec une vieille sagesse populaire :...
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11/11/2011 | Commentaires ()

« – ET J’AI VU UNE GRANDE TRISTESSE S’ABATTRE SUR LES HOMMES. Les meilleurs d’entre eux, les créateurs eux-mêmes, étaient fatigués de leurs œuvres, épuisés par la vie.
Un enseignement se répandait un peu partout, accompagné de cette croyance : « Tout est vide, tout est égal, tout est passé ! » disait-on tout azimut. Mélange de nihilisme et de nostalgie.
Et toutes les collines du monde renvoyaient le même écho mélancolique : « Tout est vide, tout est égal, tout est passé ! »
Bien sûr que nos efforts ont été récompensés ; bien sûr que notre travail nous a permis de récolter beaucoup de choses : mais pourquoi donc tous nos fruits nous ont-ils pourri et bruni dans les mains ? Qu’est-ce qui, la nuit dernière, nous est tombé dessus de la méchante lune ?
Toutes nos œuvres se sont avérées vaines : notre vin s’est transformé en poison, le mauvais œil de la lune et du soleil a roussi nos champs et nos cœurs.
Nous sommes tous devenus secs ; et si le feu nous tombe encore...
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03/11/2011 | Commentaires ()

EN PLEINE MER, NON LOIN DES ÎLES BIENHEUREUSES – les îles des amis de Zarathoustra vers lesquelles il a été poussé du haut de ses montagnes –, il existe une île sur laquelle fume constamment une montagne de feu, une sorte de volcan. Le peuple, et parmi celui-ci en particulier les petites vieilles, en disent qu’elle recouvre la porte de l’enfer ; qu’elle est placée comme un bloc de pierre devant l’entrée des enfers, où un étroit chemin conduirait au travers de la montagne.
Or, à l’époque où Zarathoustra séjournait avec ses amis sur les îles bienheureuses, un bateau a un jour jeté l’ancre en bord de l’île où se trouve la montagne fumante ; son équipage y est allé pour y tirer des lapins. Mais vers midi, alors que le capitaine et ses gens s’étaient rassemblés pour manger, il s’est passé quelque chose de très mystérieux : tout à coup, un homme leur a volé par-dessus dans les airs. Et sa voix disait...
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26/10/2011 | Commentaires ()

« DEPUIS QUE JE CONNAIS MIEUX LE CORPS, a dit un jour Zarathoustra à un de ses disciples, l’esprit ne m’apparaît plus que sur la mode du comme si : comme une image, une fantaisie, une fiction du corps lui-même. Et il en va de même de tout ce que l’esprit appelle l’« impérissable » – la vérité, l’idéal, le bien, le beau, etc. : tout cela ne m’apparaît pas moins comme une image ou une fantaisie du corps. »
Voici ce que le disciple a alors répondu : « Je t’ai déjà entendu parler ainsi par le passé ; et je m’en souviens, tu avais alors ajouté : « Mais les poètes mentent trop. » Pourquoi, au juste, disais-tu que les poètes mentent trop ? »
« Pourquoi ? », a rétorqué Zarathoustra : « Tu me demandes pourquoi ? Tu es pourtant bien placé pour savoir que je n’appartiens pas à ceux à qui on a le droit de demander leur pourquoi !
Si tu es d’accord de croire que mon expérience de vie n’est pas d’aujourd’hui, mais de hier, tu...
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19/10/2011 | Commentaires ()

ALORS QUE J’ÉTAIS TRANQUILLEMENT ENDORMI SUR L’HERBE, un mouton est soudain venu brouter la couronne de lierre que j’avais sur la tête, symbole de force végétative et de persistance du désir. Et il ne s’est pas contenté de la dévorer, mais a encore commenté son action en affirmant : « Zarathoustra n’est plus un érudit ».
Alors que j’avais jadis une place parmi les érudits – place à part, il est vrai, tant c’est toujours le cycle éternel de la vie et de la mort qui m’a intéressé et travaillé –, voilà que le mouton a profité de mon sommeil pour me déposséder de ma marque distinctive et me signifier que je n’avais plus rien à faire dans sa communauté : il a brouté ma couronne, a fait son constat et s’en est allé dans la pente raide, fier de son acte et de sa parole. Comment je peux savoir que les choses se sont passées ainsi ? C’est un enfant qui me l’a raconté.
Oui, j’aime...
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12/10/2011 | Commentaires ()

LORSQUE, HIER, LA LUNE S’EST LEVÉE A L’HORIZON, elle était si large, si grosse, si opulente, si brillante, là-bas, couchée au loin, que j’ai cru qu’elle voulait faire naître un soleil.
Mais il n’en était rien : elle ne faisait que mentir, sa grossesse n’était que feinte. J’avais tort de croire à son côté féminin, de me dire qu’elle était capable d’engendrer, d’accoucher. Je me suis alors rendu compte qu’il fallait que je change ma manière de voir la lune : depuis, je veux davantage encore croire à l’homme qu’à la femme qu’elle est.
Bien sûr, homme, cette timide noctambule ne l’est pas vraiment non plus, mais elle l’est en tout cas plus que femme. Il est vrai, ce n’est pas en homme, le pas assuré, solide, franc, mais au contraire avec mauvaise conscience qu’elle déambule sur les toits.
Il y a certes dans la lune un moine, un homme engagé à suivre les règles d’un ordre bien établi, les lois du cosmos, mais c’est...
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04/10/2011 | Commentaires ()

UN JOUR, LORS D’UN DE MES VOLS VERS LE LOINTAIN, j’ai volé trop loin dans l’avenir : un frémissement d’horreur s’est soudain emparé de moi.
Quand, là-bas, au loin, j’ai regardé autour de moi, je n’ai trouvé personne, pas le moindre élément familier. Voici que le temps qui s’écoule était soudain devenu le seul phénomène que je reconnaissais, mon seul contemporain.
Horrifié par ma vision, j’ai alors rebroussé chemin, volé en retour vers chez moi, dans le temps présent – non sans me hâter toujours davantage pour me retrouver au plus vite en terrain connu : c’est ainsi que je suis arrivé vers vous, hommes actuels, et au pays des gens instruits, informés, cultivés : le pays de la culture.
A mon retour, pour la première fois de ma vie, je vous ai regardé d’un bon œil. Au vu des circonstances passées j’étais, une fois n’est pas coutume, rempli de désir pour vous : vraiment, je suis revenu le cœur avide, nostalgique.
Mais que m’est-il arrivé ? J’avais beau...
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26/09/2011 | Commentaires ()

JE SUIS UN OCÉAN PAISIBLE ; calme est le fond de la mer que je suis : qui donc pourrait deviner qu’il recèle des monstres, des êtres en même temps effrayants et farceurs !
Inébranlable est ma profondeur ; mais elle n’a rien à voir avec le calme plat auquel on aspire généralement ; dans la sérénité de ma profondeur brillent quantité d’énigmes et de rires flottants qui auraient tôt fait d’ébranler la plupart. Vous me connaissez : Je ne m’appuie pas sur la vie idéale pour avancer, je ne cherche nullement à lui ressembler, mais me plonge dans le labyrinthe de la vie tragique pour le, la et me surmonter.
J’ai vu aujourd’hui un homme très bien ; un de ces hommes que tout le monde admire : homme sublime, solennel, en même temps très savant et pénitent de l’esprit ; illustre, et rempli de remords face à Dieu, se sentant toujours d’une manière ou d’une autre coupable. Oh, comme mon âme a ri de sa laideur !
Fier, la poitrine bombée,...
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10/09/2011 | Commentaires ()

VOUS PRÉTENDEZ, VOUS LES PLUS SAGES, VOUS OCCUPER DE LA VÉRITÉ ; vous vous présentez toujours en quête de vérité. « Volonté de vérité », voilà comment vous appelez ce qui vous pousse et vous excite ?
Mais moi, votre volonté de vérité, je l’appelle autrement : je l’appelle « volonté de rendre pensable tout ce qui est » ! Car vous ne faites rien d’autre que réduire le monde qui vous entoure à votre pensée, à faire entrer toute chose dans vos catégories de pensée et de raison.
Ce que vous voulez, ce n’est pas d’abord, comme vous le dites, dévoiler la vérité, mais réussir à faire entrer les phénomènes dans votre pensée, les rendre pensable. Pourquoi ? Vous ne vous l’avouerez pas : parce que vous doutez – d’ailleurs à bon droit – que les choses soient vraiment pensables.
Aussi forcez-vous la main au phénomènes de la vie pour les réduire en concepts abstraits, faciles à manier et à ranger : pour qu’ils s’emboîtent à votre volonté, se plient à vous ! Tel...
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21/08/2011 | Commentaires ()

LÀ-BAS, AU LOIN, SUR LA MER, SE TROUVE l’île aux tombes, la silencieuse île aux tombes, où continue à vire tout le passé, tout ce qui est mort. Là-bas, au loin, sur la mer, se trouvent aussi les tombes de ma jeunesse. Je veux désormais y voguer pour y déposer une couronne – une couronne toujours verte, symbole non de mort mais de vie.
C’est ainsi, résolu dans mon cœur, que j’ai traversé la mer.
Ô vous, tombes de ma jeunesse, visages et apparitions de ma jeunesse ! Ô vous, tous les regards de l’amour, vous, tous les instants divins, marqués par l’insouciance, la naïveté, l’affirmation de toute chose, le jeu ! Comme vous m’êtes morts vite, si vite ! Je me souviens aujourd’hui de vous comme de mes morts, comme de mes proches trop tôt disparus.
Une odeur suave, libératrice du cœur et des larmes me vient de vous, vous mes morts préférés. En vérité, elle ébranle et libère en même temps le cœur du...
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10/08/2011 | Commentaires ()

UN SOIR, ALORS QUE ZARATHOUSTRA TRAVERSAIT LA FORÊT avec ses disciples, en quête d’une fontaine, il est tombé sur une verte prairie, une clairière silencieuse entourée d’arbres et de buissons : des jeunes filles y dansaient, toutes ensembles. Reconnaissant Zarathoustra, elles ont soudain interrompu leur danse ; mais Zarathoustra s’est alors approché d’elles dans un geste d’amitié et leur a parlé en ces termes :
« N’arrêtez pas de danser, charmante jeunes filles ! Ce n’est pas un rabat-joie au regard méchant, un ennemi des jeunes filles qui vient vers vous.
Je suis l’avocat de dieu devant le diable : l’avocat du bien face au mal. Et vous le savez mieux que personne, légères danseuses : dans mon sens, c’est-à-dire dans le sens de la vie ici et maintenant, le diable, le mal, c’est l’esprit de lourdeur. Ne vous arrêtez pas à cause de moi ! Comment pourrais-je être l’ennemi des danses divines, des pieds légers de jeunes filles aux belles chevilles ?
Je suis certes une forêt et une nuit d’arbres...
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26/07/2011 | Commentaires ()

IL FAIT NUIT. FINIE L’AGITATION DU JOUR : toutes les fontaines jaillissantes parlent maintenant plus fort. Et mon âme est elle aussi une fontaine jaillissante ; elle parle elle aussi plus fort.
Il fait nuit. Voilà que se réveillent tous les chants des amoureux. Et mon âme est elle aussi le chant d’un amoureux. Non pas que j’aime quelqu’un, que j’y pense tout le temps, au point d’être privé de sommeil, mais parce que je suis pris par des forces de vie surabondantes.
Quelque chose d’inapaisé, d’inapaisable est en moi et veut se faire entendre. J’ai en moi une lumière, un désir d’amour qui parle lui-même le langage de l’amour. Excité, insatiable, je ne suis plus maître de moi-même, tant je suis transporté par un souffle amoureux de vie.
Je suis lumière : ah, si seulement j’étais nuit ! Si seulement je pouvais me fondre dans la nuit ! Mais telle est ma solitude : je suis ceinturé de lumière.
Ah, si seulement j’étais sombre et nocturne ! Si seulement je...
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18/07/2011 | Commentaires ()

VOUS AVEZ BEAU PRÉTENDRE LE CONTRAIRE, sages illustres, scientifiques, spécialistes et autres journalistes, tous que vous êtes, vous avez été utiles au peuple – et non à la vérité ! Au contraire de ce que vous dites, tout ce que vous avez fait n’a nullement servi la vérité, mais n’a fait que jouer le jeu du peuple. C’est d’ailleurs pour cette raison qu’on vous a témoigné tant de respect et vous a placé si haut.
Et c’est aussi pour cette raison qu’on a été jusqu’à supporter votre scepticisme, votre incroyance : en tant que plaisanterie et détour vers le peuple ; comme le maître laisse faire ses esclaves et va même jusqu’à se délecter de leur exubérance. Vous ne vous en êtes peut-être pas même rendu compte, au fond, vous n’êtes rien d’autre que le jouet du peuple.
Alors que vous, le peuple vous aime – forcément, vous lui êtes utiles –, il y en a d’autres qu’il déteste. Qu’il déteste comme les chiens détestent...
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10/07/2011 | Commentaires ()

REGARDE, C’EST LA GROTTE DE LA TARENTULE ! Tu veux voir l’animal en personne ? Approche un peu : sa toile est suspendue ici. Touche-la du doigt, pour la faire trembler ; tu verras, elle aura vite fait de venir voir ce qui se passe.
Et hop : la voilà déjà, pleine de bonne volonté, docile. Bienvenue, tarentule ! On te reconnaît bien, avec ton triangle, ton emblème noir sur le dos. Mais figure-toi que pour ma part, je ne te connais pas seulement de l’extérieur, je sais aussi ce qui siège dans ton âme.
Je vais te le dire : c’est la vengeance qui siège dans ton âme : une croûte noire se forme à l’endroit où tu mords tes proies ; et c’est avec vengeance que ton venin s’infiltre en eux, les travaille, et leur fait tourner l’âme !
Vous l’aurez remarqué : je vous parle en parabole. L’image de la tarentule, c’est vous, vous autres êtres qui faites tourner les âmes, vous autres prédicateurs de l’égalité ! Oui, vous êtes pour...
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28/06/2011 | Commentaires ()

LA VIE EST UNE SOURCE DE PLAISIR. L’eau qui en jaillit est propre et pure, gage de bonheur. Sauf quand la racaille s’en mêle. Oui, partout où s’abreuve la canaille, les fontaines sont empoisonnées.
Je suis favorable à tout ce qui est propre, tout ce qui est pur. Mais je ne supporte pas de voir autour de moi la racaille : les bouches ricaneuses, les impurs et leur soif maladive.
Faibles, souffrant du manque, ils ont jeté leur œil au fond de la fontaine ; ils ont scruté la vie jusque dans ses moindres détails ; et ils ont fini par lui dire « non » et se mettre à chercher à la transformer à leur guise. Regardez : voilà que leur sourire défavorable brille hors de la fontaine.
Avec leur lubricité – drôle de lubricité, soif effrénée d’idéal –, ils ont empoisonné l’eau sainte de la vie. En aspirant à un monde parfait, en y rêvant et en mettant tout en œuvre pour l’atteindre, ils se sont déracinés...
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20/06/2011 | Commentaires ()

VOUS ÊTES LAS, ENDORMIS ? Vos sens sont ramollis ? Ne les laissez pas dans cet état ; ne les ménagez pas ! Convoquez les plus grandes forces possibles pour les secouer, les réveiller ! Parlez-leur à coups de tonnerre et de feux d’artifices célestes !
La voix de la beauté est bien différente de ces immenses puissances. Elle parle doucement. Si doucement que l’endormi, justement, n’y pas accès, ne peut l’entendre. Aussi ne se glisse-t-elle que dans les âmes les plus éveillées.
Pour me protéger de la bêtise d’autrui, j’ai un bouclier. Il consiste en ma sensibilité et mon humour. Aujourd’hui, mon bouclier a tremblé et ri doucement : rire sacré et tremblement de beauté.
C’est de vous autres vertueux qu’a ri aujourd’hui ma beauté. Voici comment sa voix est arrivée à mes oreilles : « Ils veulent encore – être récompensés ! », voilà ce que mon bouclier m’a indiqué.
Tel est ce qui vous distingue, vous autres vertueux : vous voulez être récompensés ! Vous voulez une récompense pour votre vertu, un ciel pour...
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10/06/2011 | Commentaires ()

UN JOUR, DANS LA RUE, EN CROISANT DES PRÊTRES EN PROMENADE, Zarathoustra a fait un signe à ses disciples et leur a parlé en ces termes :
« Voici des prêtres : bien qu’ils soient mes ennemis, passez-moi à côté d’eux en silence et l’épée endormie, bien rangée dans son fourreau ; inutile de leur chercher querelle !
A bien y regarder, il y a aussi des héros parmi eux. Beaucoup d’entre eux ont trop souffert – tant souffert qu’ils veulent à leur tour faire souffrir.
Ce sont de méchants ennemis : leur humilité, leur modestie les rend intouchables. Et même plus : leur déférence a un côté vindicatif ; il n’y a même rien de plus vindicatif sur terre. Quiconque s’en prend à eux se voit aussitôt réprouvé, souillé. Telle est leur vengeance : quoi qu’il arrive, ils ont la bonne conscience, la morale, la justice pour eux.
Et pourtant, malgré tout, nous ne sommes pas si éloignés d’eux. Au fond, nous sommes même bien semblables, pour ne pas dire les mêmes....
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29/05/2011 | Commentaires ()

MES AMIS, ÉCOUTEZ LA PAROLE MOQUEUSE que j’ai entendue à mon égard en me promenant parmi les hommes : « Voyez-donc Zarathoustra ! Ne déambule-t-il pas parmi nous comme parmi des animaux ? » Pour me railler, la personne en question a repris de manière superficielle et détournée mes propos concernant la dégénérescence de l’homme en animal.
Au lieu de demander si je ne me promène pas parmi les hommes comme parmi des animaux, elle aurait mieux fait d’affirmer : « L’homme de la connaissance déambule en tant qu’homme parmi des animaux. » Oui, quand je dis que l’homme dégénère en animal, je ne fais pas qu’une image : je décris en toute connaissance de cause une réalité. A force de viser égoïstement l’idéal, de se vautrer dans la jouissance, l’homme passe à côté de la plupart des possibilités qui le distinguent des bêtes. Loin d’être le vivant doué de raison qu’il prétend être, il devient un animal moral, d’une part régi par ses instincts, ses pulsions (animal), d’autre part...
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21/05/2011 | Commentaires ()

LES FIGUES SONT MÛRES. Elles sont bonnes, sucrées, pulpeuses. Tellement que le vent du Nord les fait tomber des arbres ; et qu’en tombant, leur peau rouge se déchire. Regardez, je suis moi-même un vent du Nord pour les figues mûres : je les libère de leur attache.
Les enseignements que je vous prodigue sont pareils aux figues mûres : gorgés de sucre, ils sont prêts à tomber. Après avoir longuement mûris dans les hauteurs, voilà qu’ils vous arrivent de là-haut, mes amis. Ne manquez pas de boire leur jus et de savourer leur chair ! Partout alentours, c’est l’automne et le ciel pur de l’après-midi : il est l’heure de déguster les fruits qui ont lentement mûris durant l’été.
Voyez la plénitude, le trop-plein qui nous entoure ! Comme il est beau, entouré de tant de surabondance, de regarder au loin, de regarder vers des mers lointaines, gage de toutes les possibilités !
Jadis, on disait Dieu quand on regardait vers les mers lointaines. Oui, jadis, Dieu était le...
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14/05/2011 | Commentaires ()

APRÈS AVOIR QUITTÉ SES DISCIPLES, Zarathoustra s’est retiré des hommes et est retourné dans la montagne et la solitude de sa caverne. Là-haut, il a attendu, tel un semeur qui attend de voir pousser les semences qu’il a disséminées. Mais à la longue, son âme s’est remplie d’impatience et de désir pour ceux qu’il aimait : car il avait encore beaucoup à leur donner. Tel est en effet le plus difficile : fermer par amour la main ouverte ; rester pudique en donnant ; savoir se retirer après avoir donné.
C’est ainsi qu’ont passé pour le solitaire les lunes et les années. Mais comme lors de son premier séjour dans les hauteurs, sa sagesse a de nouveau poussé au point de recommencer à lui faire mal. Alors que la plupart des hommes souffrent du manque, Zarathoustra s’est de nouveau vu souffrir d’excès de plénitude, de trop plein de sagesse.
Mais voilà qu’un matin, il s’est...
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05/05/2011 | Commentaires ()

APRÈS AVOIR DIT CES MOTS, Zarathoustra s’est de nouveau tu, comme quelqu’un qui n’a pas encore dit son dernier mot. Longtemps, il est resté silencieux, dubitatif, soupesant dans ses mains le bâton au manche doré et au serpent que lui ont offert ses disciples. Quand il a enfin repris la parole, il leur a parlé ainsi, d’une voix une nouvelle fois transformée :
Je m’en vais seul maintenant, mes disciples ! Vous aussi, partez maintenant. Et seuls ! Je veux qu’il en soit ainsi. Bien sûr, il nous serait plus commode, plus agréable de rester ensemble, mais il ne faut pas confondre l’agréable avec ce qu’il convient de faire.
En vérité, je vous conseille de vous éloigner de moi, de vous défendre contre Zarathoustra ! Et même mieux : d’avoir honte de lui ! Qu’est-ce qui vous dit que je ne raconte pas n’importe quoi ? Qu’est-ce qui vous dit que je ne vous ai pas trompé ? L’heure est venue d’aller vérifier ce que valent mes enseignements. Vérification qui...
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27/04/2011 | Commentaires ()

À CE STADE, ZARATHOUSTRA S’EST TU un moment et a regardé ses disciples avec amour, sans doute le même que celui qui l’avait jadis poussé à quitter son refuge dans les montagnes et à retourner auprès des hommes. Le voilà qui a alors continué son discours en ces termes, d’une voix soudain transformée :
Restez-moi fidèles à la terre, mes frères, avec la force de votre vertu, avec la puissance de votre force morale ! La nouvelle vertu que vous savez, la vertu surabondamment riche qui donne sans compter, n’enseigne en somme que cela : la fidélité à la terre. Non pas la fidélité au monde des idées intelligibles, de la morale traditionnelle, mais à la vie ici et maintenant, à la terre. Oui, je vous en prie et vous en conjure : faites que votre amour qui donne et votre connaissance servent le sens de la terre !
Ne laissez pas votre vertu et votre amour s’envoler loin du terrestre et fracasser leurs ailes contre les...
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19/04/2011 | Commentaires ()

APRÈS AVOIR FAIT SES ADIEUX À LA VILLE chère à son cœur, dont le nom est « la vache multicolore » – toujours au sens de l’immense organisme bariolé qui avale et digère tout sur son passage –, Zarathoustra s’en est allé, suivi, escorté par un cortège de disciples. A un carrefour, il s’est arrêté et leur a dit qu’il voulait maintenant marcher seul ; car il était un ami de la marche solitaire. C’est alors que ses disciples lui ont offert un cadeau en guise d’adieu : un bâton au manche en or, avec un serpent enroulé autour du soleil. Zarathoustra s’est réjoui du bâton et s’est appuyé dessus. Puis il a parlé en ces termes à ses disciples :
Dites-moi donc : savez-vous comment l’or est devenu la valeur suprême ? Je vais vous le dire : du fait qu’il est rare, inutile, brillant, et doux dans son éclat ; du fait qu’il est surabondamment riche et se donne toujours tel qu’il est.
Si l’or est devenu la valeur...
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10/04/2011 | Commentaires ()

EN REGARDANT VIVRE ET MOURIR LES GENS, on se rend compte que la majorité d’entre eux meurt trop tard, et qu’il n’y a que quelques rares personnes qui meurent au contraire trop tôt. L’enseignement qui dit « Meurs au bon moment ! » n’est visiblement pas encore entré dans les mœurs. Il apparaît encore étrange.
Or tel est justement l’enseignement de Zarathoustra : il apprend à mourir ni trop tard, ni trop tôt, mais au bon moment. Juste quand il faut.
Bien sûr, pour mourir au bon moment, il faut aussi savoir vivre au bon moment. Comment celui qui passe à côté de sa vie pourrait-il ne pas passer également à côté de sa mort ? Le conseil que je donne aux gens de trop, aux superflus, leur est malheureusement inatteignable : ne pas être né ! Comme dit une vieille sagesse grecque : « Le bien suprême ? Il t’est absolument inaccessible : c’est de ne pas être né, ne pas être, n’être rien. En revanche, le second des biens est pour...
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02/04/2011 | Commentaires ()

J’AI UNE QUESTION À TE POSER, mon frère : elle fera office de sonde lancée dans ton âme pour y mesurer sa profondeur.
Tu es jeune et souhaites te marier et avoir un enfant. Mais je te demande : as-tu vraiment le droit de souhaiter un enfant ?
Es-tu le vainqueur, le triomphateur de toi-même, le souverain des sens, le maître de tes vertus ? Es-tu suffisamment fort pour donner la vie à un enfant et ensuite l’éduquer comme il se doit ? Voilà ce que je te demande.
Ou ton souhait n’est-il que le fruit d’une pulsion animale, d’un besoin naturel ? Ou est-ce l’esseulement qui te pousse à procréer ? La volonté de faire comme les autres ? Ou alors l’insatisfaction vis-à-vis de toi-même ? Est-ce parce que tu t’ennuies, parce que tu veux qu’il se passe quelque chose dans ta vie que tu veux fonder une famille ?
Il faut que tu saches que je veux que ton aspiration à avoir un enfant provienne de ta victoire et de ta liberté....
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26/03/2011 | Commentaires ()

UN JOUR QU’IL FAISAIT CHAUD, Zarathoustra a, une fois n’est pas coutume, fait une sieste sous un figuier, les bras repliés sur son visage. C’est alors qu’est venue une vipère, qui l’a mordu dans le cou. Zarathoustra de se réveiller dans un cri de douleur, d’ôter les bras de son visage et de regarder le serpent. Reconnaissant les yeux de Zarathoustra, l’animal s’est retourné maladroitement et a voulu partir. « Attends, a alors dit Zarathoustra ; tu n’as pas encore reçu mon remerciement ! Tu m’as réveillé juste au bon moment ; mon chemin est encore long. » « Ton chemin est encore court », a alors dit tristement la vipère. « Mon poison est mortel. » Et Zarathoustra de rigoler. « Quand donc un dragon est-il mort du poison d’un serpent ? – a-t-il rétorqué. Mais reprends donc ton poison ! Tu n’es pas assez riche pour me l’offrir. » Et la vipère lui a alors une nouvelle fois sauté au cou et lui a léché sa plaie.
Quand un jour Zarathoustra racontait...
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20/03/2011 | Commentaires ()

POURQUOI, ZARATHOUSTRA, TE FAUFILES-TU COMME ÇA, timidement, à travers le crépuscule ? Et que caches-tu si précautionneusement sous ton manteau ?
« S’agit-il d’un trésor qu’on t’a offert ? Ou d’un divin enfant qui t’est né ? Ou as-tu volé quelque chose ? T’avances-tu dès lors toi-même sur les chemins des voleurs, toi l’ami des méchants, de ceux que les gens de bien tiennent pour mauvais ? »
Et Zarathoustra de répondre : en vérité, mon frère, ta première idée est la bonne, ce que je porte là, caché sous mon manteau, est un trésor qu’on m’a offert : une petite vérité.
Mais pas n’importe laquelle. Il s’agit d’une vérité spéciale, récalcitrante. Elle est comme un jeune enfant : si on ne la bâillonne pas, elle crie extrêmement fort.
En m’avançant, seul, sur mon chemin, aujourd’hui, à l’heure où le soleil se couche, j’ai rencontré une petite vieille, qui a parlé en ces termes à mon âme :
« Comme à tout le monde, Zarathoustra nous a aussi dit beaucoup de choses, à nous autres les femmes, mais...
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03/03/2011 | Commentaires ()

TU VEUX, MON FRÈRE, ALLER DANS LA SOLITUDE ? Tu veux quitter le monde des gens et trouver le chemin vers toi-même ? Tu as bien raison, mais ne le fais pas tout de suite, histoire que tu ne le fasses pas n’importe comment : écoute d’abord ce que j’ai à te dire.
Ce que j’ai à te dire n’a rien à voir avec les propos du troupeau dont tu as longtemps fait partie : « Celui qui cherche se perd facilement lui-même », dit le peuple, ressassant à qui veut l’entendre qu’il est risqué de se poser des questions sur soi-même et sur le monde. Et voilà qu’il marginalise les êtres sensibles, qu’il pousse les chercheurs dans la solitude. Non sans leur signifier en même temps que l’homme est un être social, et que, par suite, « toute solitude est coupable ». La foule n’a pas de tolérance pour celui qui cherche autre chose que ce qu’elle a et propose déjà.
Prends garde : comme tu es né dans le...
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23/02/2011 | Commentaires ()

VOUS VOUS PRESSEZ AUTOUR DE VOTRE PROCHAIN et avez de belles paroles pour cela ? Réflexe occidental. Réflexe chrétien. Dès que vous pouvez, vous vous empressez d’aller vers autrui, de l’entourer, de partager quelque chose avec lui. Et vous parlez d’amour du prochain. Empressement et amour qui vous donnent bonne conscience. Mais je vous le dis : votre amour du prochain n’est autre que votre mauvais amour de vous-mêmes.
En vous précipitant vers votre prochain, vous ne faites que vous fuir vous-mêmes. Si vous vous intéressez aux autres, à la vie des autres, c’est pour ne pas avoir à penser à la vôtre, de vie. Et vous cherchez à faire de votre sollicitude une vertu. Vous présentez votre amour pour autrui comme une qualité. Mais n’allez pas croire que je suis dupe : je perce à jour votre désintérêt, votre indifférence. Au fond, votre bienveillance, votre amour n’est que feinte : vous n’êtes pas intéressés par votre prochain. Vous ne vous supportez simplement pas vous-mêmes....
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15/02/2011 | Commentaires ()

ZARATHOUSTRA A TRAVERSÉ BEAUCOUP DE CONTRÉES et rencontré beaucoup de peuples. Ce faisant, il a découvert les valeurs de beaucoup de peuples, ce qu’ils considèrent comme bien et ce qu’ils estiment être mal, autrement dit leurs règles morales. Et Zarathoustra n’a pas trouvé plus grande puissance sur terre que ces valeurs du bien et du mal.
L’évaluation des valeurs se trouve à l’origine de tous les peuples. Nul d’entre eux ne peut vivre sans principes moraux. Pour se conserver, chacun d’entre eux doit décider de ce qui est bien et de ce qui ne l’est pas. S’il ne le fait pas, son déclin est assuré. Et son évaluation, il doit toujours la faire de manière indépendante de son voisin, voire même en distinction de celui-ci.
Voilà ce que j’ai observé : les choses qu’un peuple trouve bonnes, un autre n’y reconnaît que plaisanterie et ignominie. Et la réciproque n’est pas moins vraie : il y a beaucoup de choses qu’on appelle ici mauvaises et...
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04/02/2011 | Commentaires ()

« II Y A TOUJOURS QUELQU’UN DE TROP AUTOUR DE MOI » – voilà ce que se dit le solitaire. Donc il cherche à être le plus souvent possible seul. Mais : « A la longue, une fois un finit toujours par faire deux ! » A force d’être seul, le solitaire vient à parler avec lui-même : d’un côté parle « Je », de l’autre « Moi ». Et les deux de discuter.
Mais le « Je » et le « Moi » ont tendance à être trop assidus dans la discussion. Leur engagement perturbe sa solitude et la sérénité du solitaire. Au point qu’il lui faut un ami, pour que la discussion ne décline pas.
Pour le solitaire, l’ami est toujours le troisième : le bouchon qui empêche que la discussion des deux autres s’enfonce dans les profondeurs. Il permet au solitaire de ne pas couler, de garder la tête haute.
Hélas, tous les solitaires sont marqués par trop de profondeur. Et ont tendance à s’y enfoncer. Telle est la raison pour laquelle ils aspirent à...
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27/01/2011 | Commentaires ()

J’AIME LA FORÊT. ON Y VIT BIEN. Dans les villes au contraire, on vit mal : on y rencontre trop de gens guidés par leurs pulsions sexuelles. Trop de gens assoiffés de plaisirs charnels. Bref : trop de gens en rut.
N’est-il pas préférable de se retrouver entre les mains d’un assassin que dans les rêves d’une femme en chaleur ? Ne vaut-il pas mieux risquer de se faire tuer que d’être prisonnier des fantasmes idéalistes, amoureux, d’une femme transie de désir ? Les fantasmes romantiques d’amour fusion ne sont-ils pas pires que la mort ?
Et regardez-moi donc ces hommes : regardez leur œil qui dit qu’ils ne connaissent rien de mieux sur terre que de se trouver couchés auprès d’une femme, de coucher avec une femme. De se perdre en elle, dans le plaisir de la pure sensualité.
Au fond, leur âme n’a pas de hauteur – ni de profondeur. Leur âme est une eau stagnante : vaseuse, boueuse. Malheur à eux si en plus leur vase, leur...
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18/01/2011 | Commentaires ()

FUIS DANS TA SOLITUDE, MON AMI ! Je vois bien l’effet que te font les mouches et autres insectes humains : le bruit des grands hommes t’étourdit, les piqures des petits t’insupportent.
Rappelle-toi comment la forêt et le rocher savent dignement se taire avec toi. Et si tu ressemblais de nouveau à l’arbre aux larges branches que tu aimes : calme et aux aguets, suspendu au-dessus de l’agitation de la mer ?
Là où cesse la solitude commence la place du marché. Et là où commence la place du marché commence aussi le bruit des grands acteurs et le bourdonnement des mouches venimeuses.
Pour la foule, les meilleures choses n’ont de valeur que si elles sont représentées, mises en scène. Il faut qu’on puisse les lire dans les journaux, les voir à la télévision, les entendre à la radio. Sinon elles ne valent rien, et sont très vite oubliées. Raison pour laquelle le peuple appelle grands hommes les représentants, les metteurs en scène.
Oui, le peuple ne...
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09/01/2011 | Commentaires ()

IL Y A ENCORE, MES FRÈRES, DES LIEUX OÙ IL EXISTE DES PEUPLES ET DES TROUPEAUX. Des endroits où les gens vivent en harmonie les uns avec les autres. Ensemble. Mais ce n’est pas le cas chez nous : non, chez nous, il n’y a plus de peuple, plus de troupeau. Chez nous, il n’y a plus que des États.
L’État ? Vous voulez savoir ce que c’est que l’État ? Allez ! Ouvrez-moi grand vos oreilles, je vais vous le dire : l’État, c’est la mort des peuples.
Si les peuples et les troupeaux sont marqués par la chaleur, la cordialité, ce qu’on appelle État est au contraire froid, anonyme. L’État est un monstre sans âme, le plus froid de tous les monstres froids. Un monstre qui n’est pas seulement froid, mais qui, de plus, ment froidement. Voici un de ses mensonges préférés ; voici comment un de ses mensonges préférés rampe hors de sa bouche : « Moi, l’État, je suis le peuple », dit-il froidement.
Mais quel mensonge ! L’État...
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31/12/2010 | Commentaires ()

IL Y VA DE NOS MEILLEURS ENNEMIS COMME DE NOS MEILLEURS AMIS : nous ne voulons pas qu’ils nous ménagent. Laissez-moi donc vous dire la vérité : il ne faut pas que les personnes que nous détestons ou aimons vraiment – pas seulement comme ça, en passant, de manière superficielle, mais vraiment, de fond en comble –, il ne faut pas qu’elles nous épargnent.
Mes frères de guerre, sachez-le : je vous aime du fond du cœur ; et je suis en même temps aussi votre meilleur ennemi. Les deux à la fois parce que je vous connais : je suis et ai été votre semblable. C’est pourquoi jamais je ne vous traiterai avec indulgence ; jamais je ne vous ménagerai. Laissez-moi donc vous dire la vérité !
Mieux que quiconque, je connais l’aversion et la jalousie qui habitent votre cœur. Oui, vous n’êtes pas assez grands pour ne pas connaître la haine et l’envie. Pas encore assez grands pour ne vous préoccuper que du bien de la vie....
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21/12/2010 | Commentaires ()

LA VISION CHRÉTIENNE DU MONDE A DONNÉ NAISSANCE À DES HOMMES inspirés par des forces divines mortifères : les prédicateurs de la mort. Ne nous en plaignons pas. Heureusement qu’ils existent. La terre est tellement remplie d’êtres superflus, qui nuisent à l’évolution des phénomènes, que le prêche du renoncement à la vie est une aubaine. Oui, la terre est si corrompue par la foule, par les beaucoup trop nombreux, que la doctrine de la « vie éternelle » qui pousse les gens à se détourner de la vie ici et maintenant apparaît comme un bienfait nécessaire !
On appelle les prédicateurs de la mort par deux noms de couleurs : « jaunes », ou alors « noirs ». « Jaune », couleur la plus chaude, intense, violente et aveuglante ; couleur du métal en fusion, du soleil ; symbole de la puissance des dieux du ciel, de la jeunesse et de l’éternité divine ; couleur synonyme de lumière, d’intelligence et de vie. Couleur des prédicateurs lorsqu’ils louent leurs arrière-mondes. « Noir », absence ou somme de toutes...
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10/12/2010 | Commentaires ()

L’ŒIL AVISÉ DE ZARATHOUSTRA LUI AVAIT FAIT REMARQUÉ UN JEUNE HOMME qui faisait tout pour ne pas le rencontrer. Et un soir, alors qu’il se promenait seul dans les montagnes encerclant la ville qu’on appelle « La vache multicolore » – immense organisme bigarré qui avale et digère toute herbe fraîche sur son passage –, voici qu’il tombe sur ce jeune homme. Ce dernier était assis, appuyé contre un arbre, plongeant un regard fatigué dans la vallée.
Zarathoustra n’a pas hésité une seconde : il s’est approché de lui, a saisi des deux mains l’arbre contre lequel il s’appuyait et a prononcé ces mots : « Si je voulais secouer cet arbre de mes mains, je n’y parviendrais pas. Mais le vent que nous ne voyons pas le torture et le plie à sa guise. Nous aussi, ce sont des mains invisibles qui nous martyrisent et tordent le plus gravement. Le visible est une chose, l’invisible une autre. »
A ces mots, le jeune homme s’est levé d’un...
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29/11/2010 | Commentaires ()

DE TOUT CE QU’ON ÉCRIT, JE N’AIME QUE CE QUI L’EST AVEC SON SANG ; non pas avec l’intelligence et la rationalité éveillées qui caractérisent tout homme occidental, mais avec le véhicule de la vie qu’est le sang. Ecris avec ton sang : et tu apprendras que le sang est esprit. Un esprit bien différent de notre logique consciente, un esprit qui ne calcule pas, qui ne triche pas : l’esprit de la vie.
Bien sûr, il n’est pas facile de comprendre le sang d’autrui. Donc il ne faut pas lire n’importe comment. Il faut se prendre le temps, lire lentement, attentivement, faire tous les efforts pour parvenir à se plonger dans les textes, à pénétrer en eux, à fusionner avec eux. Je déteste les lecteurs superficiels, qui flânent, qui ne font que manipuler, objectiver et traiter de manière informative et utilitaire ce que recèlent les livres.
La grande majorité croit que l’écrivain écrit pour le lecteur, qu’il aiguise sa plume pour plaire à son...
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19/11/2010 | Commentaires ()

VOUS AUTRES JUGES ET SACRIFICATEURS, VOUS QUI AVEZ POUR PRINCIPE de ne jamais conduire un animal au pilori avant de le voir hocher de la tête ; vous qui attendez du coupable qu’il se reconnaisse comme tel ; regardez, le pâle criminel que voici vient justement d’avouer son forfait ! Regardez, son œil exprime le grand mépris ! Non pas pour vous – il est même d’accord avec votre sentence –, mais pour lui-même, pour l’acte qu’il a commis ; il se dédaigne lui-même, lui et son acte. En fait, c’est son Moi qu’il méprise ; car c’est lui qui l’a poussé à faire ce qu’il n’aurait pas dû.
Regardez ce que dit son œil : « Mon Moi est quelque chose qui doit être surmonté. Je considère mon Moi comme le grand mépris de l’homme ». Ce criminel n’est pas dupe, il reconnaît dans son petit Moi le responsable de son délit. Tout comme il se rend compte que la seule façon qu’il a de s’en sortir est d’être...
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12/11/2010 | Commentaires ()

IL FAUT QUE TU SACHES, MON FRÈRE, que la force morale, la vertu qui te caractérise, tu ne l’as en commun avec personne. Bien sûr, comme elle est ton guide de vie, tu en es fier et tu voudrais pouvoir l’appeler par son nom, lui parler et la cajoler ; tu voudrais pouvoir parfois lui tirer l’oreille et te divertir, faire équipe, t’amuser avec elle, également aux yeux du monde.
Mais regarde : dès que tu la nommes, dès que tu essaies d’en faire part aux gens qui t’entourent, voilà que toi et ta vertu perdez ce qui vous distingue ; voilà que vous devenez foule et troupeau ! En cherchant à vous décrire, en employant un mot qui appartient au vocabulaire courant, vous avez tôt fait d’être réduits à ce que tout le monde met sans réfléchir sous ce nom. Et n’avez aucune chance de vous faire entendre comme ceux que vous êtes.
Tu ferais mieux de dire, quitte à intriguer la foule : « Ce qui...
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02/11/2010 | Commentaires ()

J’AI MON MOT À DIRE À CEUX QUI DÉNIGRENT LE CORPS. Non pas que je leur demande de bouleverser ce qu’ils savent et enseignent ; non pas que je les pousse à ce qu’ils aient moins de mépris pour le corps, ou à ce qu’ils fassent, par leurs enseignements, par les exemples qu’ils donnent, qu’on méprise moins le corps. Non, je souhaite bien plutôt qu’ils soient plus radicaux que ce qu’ils sont déjà dans leur rapport au corps, qu’ils le dénigrent plus encore.
Il n’y a pas de compromis qui vaille : au point où ils en sont, ce qu’ils ont de mieux à faire est de dire adieu au corps. Ce n’est que quand ils seront devenus suffisamment radicaux dans leur dénigrement, quand ils auront complètement écarté leur corps, qu’ils n’auront plus de mauvaise influence. Ils seront alors tellement loin de leur corps qu’ils ne sauront même plus parler : ils seront devenus muets – et donc incapables de raconter leurs histoires.
« Je suis...
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26/10/2010 | Commentaires ()

Suite de la retraduction commentée du Zarathoustra de Nietzsche. Troisième chapitre des Discours de Zarathoustra. Les précédents se trouvent ici.
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ZARATHOUSTRA NE S’EN CACHE PAS : jadis, sa folie l’avait lui aussi, comme tous les prédicateurs d’arrière-mondes, poussé à imaginer un autre monde que celui dans lequel nous vivons. Un monde caché, secret, mystérieux, qui se trouve derrière notre monde, par-delà celui-ci, et qui en serait tout compte fait à l’origine. Un monde métaphysique, disent les philosophes, qui se distingue du nôtre par sa nature accomplie, éternelle, sa constance et stabilité, sa pureté, beauté, bonté et vérité parfaites.
L’ici et maintenant de notre monde m’apparaissait alors comme l’œuvre d’un dieu. Discours chrétien : « Au commencement, Dieu créa le ciel et la terre ». D’un dieu souffrant et torturé. Interprétation personnelle : s’il l’a fait, c’est pour se libérer et se détourner de sa propre souffrance.
Le monde m’apparaissait alors comme un rêve et une invention d’un tel dieu. Une fumée colorée pour les yeux d’un être divinement...
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19/10/2010 | Commentaires ()

Suite de la retraduction commentée du Zarathoustra de Nietzsche. Deuxième chapitre des Discours de Zarathoustra. Les précédents se trouvent ici.
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ON VANTAIT À ZARATHOUSTRA UN SAGE qui s’entendait à parler du sommeil et de la vertu. Un homme que les bonnes paroles auraient rendu très fameux et fort riche. Et qui ferait que tous les jeunes se précipitent devant sa chaire pour l’écouter. Curieux, Zarathoustra n’a pas manqué de se mêler à la foule pour se faire une idée. Voici ce qu’il a entendu de la bouche du sage :
Soyez plein de respect et de pudeur devant le sommeil ! Telle est la première chose ! Et évitez tous ceux qui dorment mal et qui veillent la nuit ! Même le voleur est pudique à l’égard du sommeil : que ce soit avant ou après son forfait, c’est toujours en silence qu’il se dérobe à travers la nuit, sur la pointe des pieds, pour éviter de réveiller les gens.
Le gardien du sommeil qu’est le rêve se...
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12/10/2010 | Commentaires ()

Suite de la retraduction commentée du Zarathoustra de Nietzsche. Premier chapitre des Discours de Zarathoustra. Les chapitres précédents se trouvent ici.
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JE VOUS NOMME TROIS MÉTAMORPHOSES DE L’ESPRIT : comment l’esprit devient chameau, le chameau lion, et finalement le lion enfant.
Si tout esprit humain doit porter beaucoup de choses lourdes, l’esprit fort, endurant, respectueux, se distingue des autres par sa volonté de supporter les plus pesantes. « Qu’est-ce qui est lourd ? », demande-t-il en s’agenouillant tel le chameau pour qu’on le lui charge sur le dos. Et « qu’est-ce qui est le plus lourd ? », interroge-t-il les héros, non sans chercher à devenir comme eux. « Dites-le moi, que je le prenne sur moi et me réjouisse de ma force. » Car il n’y a pas de joie plus grande pour le chameau que de supporter une charge très lourde, de surmonter une épreuve extrêmement difficile.
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06/10/2010 | Commentaires ()

Suite de la retraduction commentée du Zarathoustra de Nietzsche. Dernier chapitre du prologue. Les neuf premiers se trouvent ici.
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LE SOLEIL SE TROUVAIT EN PLEIN MIDI. Après avoir reconnu sa nouvelle vérité et pris les résolutions qu’elle exige, Zarathoustra a soudain levé la tête et regardé le ciel d’un air interrogateur – car il venait d’entendre, au-dessus de lui, le cri perçant d’un oiseau. Surprise : un aigle était en train de fendre l’air en larges cercles ! Et à y regarder attentivement, il n’était pas seul : un serpent y était suspendu. Non pas comme une proie, dans ses griffes ou dans son bec, mais comme un ami, enroulé autour de son cou.
« Ce sont mes animaux ! » s’est exclamé Zarathoustra, réjoui du fond du cœur de retrouver les deux bêtes de compagnie de sa retraite montagneuse : « L’animal le plus fier sous le soleil et l’animal le plus avisé sous le soleil – ils sont partis en reconnaissance. Ils veulent savoir si Zarathoustra est toujours...
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28/09/2010 | Commentaires ()

Suite de la retraduction commentée du Zarathoustra de Nietzsche. Les premiers chapitres se trouvent ici.
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ZARATHOUSTRA A DORMI LONGTEMPS. Tellement longtemps que non seulement l’aube, mais tout le matin a passé sur son visage. Quand enfin il a ouvert les yeux, il a commencé par jeter un regard étonné sur la forêt et le silence qui l’entouraient. Puis il a plongé son regard en lui-même. Avant de se lever en sursaut, poussant un cri de joie, tel un marin qui a vu la terre après des semaines de navigation solitaire en eaux profondes. Zarathoustra a vu une nouvelle vérité.
Voilà comment il a ensuite parlé à son cœur : « Une lumière m’est venue : j’ai besoin de compagnons, de compagnons vivants, – pas des morts et des cadavres que je porte avec moi sur mon chemin. Non, j’ai besoin de compagnons vivants, qui me suivent parce qu’ils veulent se suivre eux-mêmes – et en même temps aller là où je veux aller. Une lumière...
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23/09/2010 | Commentaires ()

Suite de la retraduction commentée du Zarathoustra de Nietzsche. Les premiers chapitres se trouvent ici.
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ZARATHOUSTRA A CHARGÉ LE CADAVRE du funambule sur son dos et s’est mis en chemin. Il n’avait pas encore fait cent mètres qu’un homme s’est glissé vers lui et lui a chuchoté quelque chose dans l’oreille. Tiens, c’était le clown de la tour. « Va t’en de cette ville, ô Zarathoustra, a-t-il dit. Il y en a trop qui te détestent ici. Les bons et les justes te détestent. Ils t’appellent leur ennemi et dénigreur. Les croyants de la vraie croyance te détestent : ils t’appellent le danger de la foule. Ta chance a été qu’on se soit moqué de toi, Zarathoustra. Et ils ont raison : tu parles vraiment comme un clown. Ta chance a été que tu te sois occupé du chient mort. En t’abaissant ainsi, tu t’es sauvé la vie, au moins pour aujourd’hui. Mais va t’en de cette ville – sinon, demain, c’est par-dessus toi...
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17/09/2010 | Commentaires ()

Suite de la retraduction commentée du Zarathoustra de Nietzsche. Les premiers chapitres se trouvent ici.
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ENTRE-TEMPS, LE SOIR EST TOMBÉ SUR LA PLACE DU MARCHÉ. La foule s’est progressivement dispersée. Même la curiosité et l’effroi finissent par fatiguer les hommes. Zarathoustra, lui, est resté assis à côté du mort. Seul, plongé dans ses pensées, il a oublié le temps. Ce n’est que quand il a fait complètement nuit et qu’un vent froid s’est levé que le solitaire s’est relevé. « Belle pêche, en vérité, pour Zarathoustra aujourd’hui ! Bon, c’est vrai, il n’a pas attrapé d’homme, mais il ramène au moins un cadavre ».
« L’existence humaine est inquiétante, toujours dénuée de sens ». Difficile, de nos jours, d’avoir un chez soi dans le monde. Depuis que le guide suprême de nos valeurs et de nos faits et gestes n’est plus que l’ombre de lui-même, l’homme est bien démuni. Les choses n’ont plus guère de sens. Du moins au-delà de nos faibles volontés de confort, de jouissance,...
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11/09/2010 | Commentaires ()

Suite de la retraduction commentée du Zarathoustra de Nietzsche. Les premiers chapitres se trouvent ici.
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IL FAUT S’IMAGINER LE TABLEAU. Zarathoustra vient de terminer son discours. Silencieux devant la foule hilare, il est en train de se rendre compte à quel point il est incompris par ses semblables. Et combien ils le détestent. Au-dessus de la place du marché, depuis quelques minutes déjà, le funambule s’est mis à l’ouvrage : il est sorti d’une petite porte, là-haut, au sommet de la tour, et a commencé à s’avancer sur la corde raide en direction de l’autre tour, en face de la première.
A ce moment, il s’est passé quelque chose qui a fait que tout le monde soit resté bouche-bée, le regard fixe. Alors que le funambule se trouvait à mi-chemin, la porte dont il était sorti s’est ouverte à nouveau. Et un étrange individu, tout bariolé – on aurait dit un clown – en a bondi et s’est mis à le suivre à...
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03/09/2010 | Commentaires ()

Suite de la retraduction commentée du Zarathoustra de Nietzsche. Les premiers chapitres se trouvent ici.
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LE DISCOURS QUE ZARATHOUSTRA EST EN TRAIN DE PROFÉRER à la foule sur la place du marché est pour le moins énigmatique, métaphorique. Le ciel a été trop clair, l’atmosphère trop lourde. De gros nuages se sont formés sur les reliefs, l’orage s’est fait menaçant. Telle la lourde goutte d’eau qui tombe du sombre nuage, Zarathoustra est l’annonciateur de l’éclair qu’est le surhomme. Éclair qui vient rétablir l’équilibre entre ciel et terre.
Après s’être présenté ainsi, Zarathoustra a fini par se taire. Il faut dire que les gens s’étaient mis à rire. Du gros rire dont seul est capable un groupe, et plus encore une foule. Rire moqueur, grossier, atroce, assassin. Plein de candeur, sans même en être affecté, Zarathoustra a simplement constaté : « Les voilà debout, qui rient : ils ne me comprennent pas, je ne suis pas la bouche pour ces oreilles. Doit-on d’abord leur briser les...
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27/08/2010 | Commentaires ()

Suite de la retraduction commentée du Zarathoustra de Nietzsche. Les premiers chapitres se trouvent ici.
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EN PROIE À L’INCOMPRÉHENSION, ZARATHOUSTRA A REGARDÉ LA FOULE les yeux remplis d’étonnement. Avant de reprendre la parole et de dire, en écho à l’activité du funambule justement en train de s’avancer : « L’homme est une corde tendue entre l’animal et le surhomme, – une corde sur un abîme. » Comme si de rien n’était, Zarathoustra présente une nouvelle définition de l’homme. Définition fort loin de celle, traditionnelle, établie jadis par Platon, qui considère l’homme comme un « être vivant doué de raison » : un animal, en somme, qui se distingue par sa capacité à raisonner. Pour Zarathoustra, ce n’est pas la rationalité qui distingue les hommes du reste des phénomènes de la nature, mais le fait qu’il soit un pont : « un passage dangereux, un chemin dangereux, où il est dangereux de se retourner, dangereux de frissonner et de s’arrêter. » L’homme est comme la corde sur laquelle s’avance le funambule :...
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18/08/2010 | Commentaires ()

Suite de la retraduction commentée du Zarathoustra de Nietzsche. Vous n’avez pas lu la première partie ? Elle se trouve ici. Et la deuxième se trouve là.
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Parole de Zarathoustra, Prologue 3
EN FIN D’APRÈS-MIDI, SUITE À UNE LONGUE MARCHE, Zarathoustra est enfin sorti de la forêt et est arrivé dans la ville la plus proche. Il a trouvé la place du marché étonnamment noire de monde. La foule des grands jours était sortie de chez elle pour venir admirer un funambule. Profitant de l’aubaine de rencontrer autant de personnes à la fois, Zarathoustra n’a pas hésité une seconde. Il s’est avancé vers ses congénères et, plein de candeur, sans la moindre entrée en matière, s’est s’exclamé : « Je vous enseigne le surhomme ! L’homme est quelque chose qui doit être surmonté ! »
On imagine les regards perplexes, les froncements de sourcils, les sourires en coin. Les index pointés en direction des tempes. Qu’est-ce qu’il raconte celui-là ? Qu’est-ce qu’il nous veut ? C’est un marginal, un fou ?...
Suite
30/07/2010 | Commentaires ()

Suite de la retraduction commentée du Zarathoustra de Nietzsche. Vous n’avez pas lu la première partie ? Elle se trouve ici.
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Parole de Zarathoustra, Prologue 2
ZARATHOUSTRA S’EST DONC MIS EN CHEMIN. Seul, d’abord sans croiser personne. Une fois arrivé dans les bois, il s’est tout à coup retrouvé en face du vieillard qu’il avait déjà rencontré dix ans plus tôt alors qu’il grimpait vers les sommets. Ce dernier avait quitté sa cabane pour chercher des racines dans la forêt. Il a tôt fait de reconnaître Zarathoustra : « Ce voyageur ne m’est pas étranger : il est passé par ici il y a de nombreuses années. Mais il s’est métamorphosé. Tu portais jadis tes cendres à la montagne : veux-tu aujourd’hui porter ton feu dans les vallées ? Ne crains-tu pas la punition de l’incendiaire ? » Le vieil homme ne pensait pas si bien dire : Zarathoustra est comme Prométhée porteur de feu : sans crainte, parce que débordant de sagesse et d’enthousiasme. L’œil pur, sans le moindre dégoût...
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06/07/2010 | Commentaires ()

Après avoir commencé ici même ces dernières semaines la retraduction littérale du Zarathoustra de Nietzsche – nouvellement intitulé Parole de Zarathoustra –, nous proposons désormais de faire mieux : présenter, sur la base de sa retraduction littérale (présente en fond d’article), une traduction ouverte, libre et commentée des chapitres successifs du texte.
La mise en lumière phusique, dionysiaque des passages hermétiques est sensé permettre de rendre l’écrit non seulement plus facile d’accès, mais encore plus stimulant, plus léger et… plus drôle. Le but est qu’il puisse se lire tel un roman, presque de plage…
Tous les commentaires, critiques, questions et propositions d’améliorations sont comme toujours les bienvenus. Lâchez-vous !
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Parole de Zarathoustra, Prologue, 1
À L’ÂGE DE TRENTE ANS, ÉPUISÉ PAR LES HARCÈLEMENT DE LA VIE EN SOCIÉTÉ, Zarathoustra a quitté son pays et le lac de son pays et s’en est allé, seul, se réfugier dans la montagne. Là haut, loin du chahut de la ville et du monde, il s’est délecté...
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07/06/2010 | Commentaires ()

ZARATHOUSTRA EST DESCENDU SEUL DE LA MONTAGNE et sans rencontrer personne. Mais une fois arrivé dans les bois, il s’est tout à coup retrouvé en face d’un vieillard, vieillard qui avait quitté sa sainte cabane pour chercher des racines dans la forêt. Et voilà comment le sage a parlé à Zarathoustra :
« Ce voyageur ne m’est pas étranger : il est passé par ici il y a de nombreuses années. Il s’appelait Zarathoustra ; mais il s’est métamorphosé.
Tu portais jadis tes cendres à la montagne : veux-tu aujourd’hui porter ton feu dans les vallées ? Ne crains-tu pas la punition de l’incendiaire ?
Oui, je reconnais Zarathoustra. Son œil est pur, et nul dégoût ne se cache sur sa bouche. Ne se déplace-t-il pas comme un danseur ?
Zarathoustra est métamorphosé, Zarathoustra est devenu enfant, Zarathoustra est éveillé : que veux-tu désormais parmi ceux qui dorment ?
Comme dans la mer, tu as vécu dans la solitude, et la mer t’a porté. Malheur, tu veux retourner sur la terre ? Malheur, tu veux toi-même...
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23/05/2010 | Commentaires ()

À TRENTE ANS, ZARATHOUSTRA A QUITTÉ SON PAYS et le lac de son pays et s’en est allé dans la montagne. Il a joui là de son esprit et de sa solitude et ne s’en est pas lassé durant dix ans. Mais voilà enfin que son cœur s’est transformé. Et un matin, il s’est levé avec l’aurore, s’est placé en face du soleil et lui a parlé comme ça :
« Toi, grand astre ! Que serait ton bonheur si tu n’avais ceux que tu éclaires !
Dix ans durant, tu es monté ici vers ma caverne : sans moi, mon aigle et mon serpent, tu aurais été saturé de ta lumière et de ce chemin.
Mais nous t’avons attendu chaque matin, t’avons enlevé ta surabondance et t’avons béni pour cela.
Regarde ! Je suis trop plein de ma sagesse, comme l’abeille qui a trop recueilli de miel, j’ai besoin de mains qui se tendent.
Je voudrais offrir et distribuer, jusqu’à ce que les sages parmi les hommes se réjouissent de...
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