
Seul l’homme vulgaire, l’homme de la populace veut vivre pour rien ; d’où sa devise de maximum de plaisir pour un minimum d’effort. Mais nous autres à qui la vie s’est donnée comme elle s’est donnée, en sa noblesse et surabondance, nous ne cessons de nous demander ce que nous pouvons lui donner en retour, à la vie, quel est le meilleur que nous pouvons lui donner en échange !
Et en vérité, telle est notre noble parole : « La promesse que nous fait à nous la vie – celle de pouvoir la vivre comme nous le faisons, en sa noblesse et surabondance, et par suite en son cheminement vers le surhomme –, cette promesse, nous voulons par-dessus tout la tenir également pour la vie : tout mettre en œuvre pour lui faire honneur, être à la hauteur de ses attentes ! »
Attention donc de ne pas vouloir jouir comme ça, gratuitement, sans faire nous-mêmes l’effort de procurer de la jouissance autour de nous. D’ailleurs, d’une manière générale, il ne faut jamais vouloir la jouissance ! Le plaisir, l’agréable doit toujours être une récompense : soit une récompense de la vie en son innocence, soit le fruit d’une peine surmontée.
Car chez les âmes nobles, la jouissance et l’innocence sont ce qu’il y a de plus pudique : aucune des deux ne veut être cherchée ; toutes deux doivent couler de source, émerger des profondeurs, comme récompenses de la vie, de notre effort pour faire honneur à la vie. Ainsi ne doit-on pas les chercher, mais les avoir ! Et si vraiment on veut chercher quelque chose, mieux vaut encore que ce soit la faute et la douleur !
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Traduction littérale
Telle est la nature des âmes nobles : elles ne veulent rien avoir pour rien, le moins de tout la vie.
Qui est de la populace veut vivre pour rien ; mais nous autres, à qui la vie s’est donnée, – nous méditons toujours ce que nous pouvons au mieux donner en échange !
Et en vérité, c’est là une noble parole qui dit : « Ce que la vie nous promet, nous voulons le tenir pour la vie ! »
On ne doit pas vouloir jouir là où on ne fait pas jouir. Et – on ne doit pas vouloir jouir !
La jouissance et l’innocence sont en effet les choses les plus honteuses : toutes deux ne veulent pas être cherchées. On doit les avoir –, mais on doit plutôt encore chercher la faute et la douleur ! –
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Il s’agit ci-dessus de la partie 5 (sur 30) du douzième chapitre (« De vieilles et de nouvelles tables ») de la « Troisième partie » des « Discours de Zarathoustra » du Zarathoustra de Nietzsche. Texte phusiquement réinvesti (en haut) et traduction littérale (en bas). Les précédents chapitres se trouvent ici.
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