L’illusionniste, 2.

Illusion d'amourL’illusionniste-2VOILÀ PLUSIEURS MINUTES que le vieil homme pris pour l’homme supérieur était effondré sur le sol et proférait son poème. Et plusieurs minutes que Zarathoustra écoutait sa plainte vis-à-vis de l’insupportable martyr de la vie. Plainte muée en défi face au dieu inconnu, dieu bourreau de derrière les nuages qui en est responsable. Défi qui fait que ce dernier se mette à tourner amoureusement autour de lui.

Mais, prisonnier de sa vision traditionnelle de l’amour comme douce idylle, toute de calme et de bonheur, l’homme se met alors à filer un mauvais coton et à espérer une vie qui ne soit pas que luttes et souffrances. Et le voilà qui réengage sa plainte initiale. Nullement intéressé par la mièvrerie et la faiblesse, le dieu s’en va alors sans délai voir ailleurs s’il y est ; avec pour conséquence que l’homme comprenne enfin qu’il doit accepter la vie comme elle est et se mette à implorer le retour du dieu, y compris tous les martyrs qui le caractérisent.

A ce moment, Zarathoustra, qui avait écouté silencieusement l’homme passer par ses divers états, n’a plus pu se retenir. Il a pris son bâton et a frappé de toutes ses forces le gémissant pour le faire taire. « Arrête !, lui a-t-il crié d’un rire furieux, mais arrête-toi donc, comédien ! Faux-monnayeur ! Tricheur ! Menteur intégral ! Je t’ai bien percé à jour ! »

A la longue, Zarathoustra s’est en effet rendu compte que l’homme ne vivait pas vraiment ce qu’il proférait : au fond, sa plainte, son défi, le retour de sa plainte et enfin l’invocation du dieu n’étaient que jeu, que simulacre…

« Je veux bien t’aider, te réchauffer les jambes, toi, vilain illusionniste. Mais tu sais, je ne vais pas te laisser faire comme ça, te laisser m’embobiner de la sorte. J’en ai vu d’autres : à des gens comme toi, je sais secouer les puces ! »

« Laisse-moi tranquille, a alors rétorqué le vieil homme en se levant d’un bond du sol ! Ne frappe plus, ô Zarathoustra ! Si j’ai fait tout ça, ce n’est que par jeu !

De telles manières de faire font partie de mon art. J’ai simplement voulu te mettre à l’épreuve, quand je t’ai donné à entendre cette épreuve ! Et, en vérité, je dois avouer que tu m’as bien percé à jour ! Mais toi aussi, tu ne m’as pas donné une petite épreuve de toi-même en me frappant de la sorte : tu es dur, sage Zarathoustra ! Tu frappes fort ; et pas seulement avec ton bâton, mais aussi avec tes « vérités » ; justement, ton bâton extorque de moi – cette vérité ! »

« Ne me flatte pas, a alors répondu Zarathoustra, toujours énervé et le regard sombre ! Ne me flatte pas, toi, comédien intégral ! Tu es la fausseté même : comment peux-tu parler – de vérité !

Toi, paon des paons, qui fait la roue pour aguicher ton monde ! Toi, mer de la vanité, océan d’orgueil et de futilités ! Dis-moi, qu’est-ce que tu as joué devant moi, vilain illusionniste ? Dis-moi, à qui je devais croire, quand tu jouais ton jeu ? »

« Au pénitent de l’esprit, a répondu le vieil homme, c’est lui que j’ai joué : lui dont tu as jadis toi-même inventé le nom pour signifier l’homme de la connaissance, le savant qui se sent toujours coupable de ne pas parvenir à dévoiler suffisamment bien la vérité : le poète et illusionniste qui finit par geler de sa froide et méchante science et conscience et par tourner son esprit contre lui-même et se transformer, se métamorphoser sans fin.

Et avoue-le donc : je n’ai pas trop mal joué mon rôle ! Il t’a fallu un moment pour découvrir mon art et mon mensonge. Oui, je l’ai bien senti, tu as joliment cru à ma détresse quand tu m’as tenu la tête des deux mains. Ne t’en cache pas, je t’ai bien entendu gémir : « On l’a trop peu aimé, le pauvre homme, trop peu aimé ! » D’ailleurs, en t’entendant gémir comme ça, intérieurement, ma méchanceté jubilait ; jubilait de réussir à te tromper de la sorte. »

« Tu as dû en tromper des plus fins que moi, a alors dit durement Zarathoustra. Je ne suis pas un être méfiant, moi. Pour être celui que je suis, pour pouvoir accomplir ma tâche, je dois au contraire être crédule ; je dois être sans prudence : voilà comment mon sort veut qu’il en soit. Si je n’étais pas naïf, si j’étais toujours sur mes gardes, toujours méfiant, je serais incapable de faire ce que je fais, d’être qui je suis, mais serais comme la plupart : un calculateur, un stratège, un manipulateur, toujours centré sur soi-même.

Et si moi, je ne choisis pas, si je dois être comme ça, comme je suis, il n’y a pas de raison que ce soit différent pour toi. Bref, tu ne choisis pas non plus, toi, tu dois tromper : jusque-là, je te connais ! Ton lot est de ne pas être simple, mais toujours à double, triple, quadruple, et même à quintuple sens ! Même ce que tu viens d’avouer, à savoir que tout ça n’était que du jeu, n’a pour moi longtemps pas été suffisamment vrai et faux : a longtemps basculé entre le vrai et le faux !

Toi, vilain faux-monnayeur, comment pourrais-tu faire autrement qu’embrouiller les gens ! Tu n’es qu’un embrouilleur ; tu n’es que faux-semblants, voiles, mensonges, illusions : même nu devant ton médecin, tu farderais encore ta maladie, alors même qu’il n’est là que pour t’aider.

Voilà comment tu as fardé devant moi ton mensonge : quand tu as dit « si j’ai fait tout ça, ce n’est que par jeu ! », tu me trompais encore. Oui, tout ça, tu ne l’as pas fait que par jeu. Il y avait aussi du sérieux là-dedans. Tu as beau dire que tu joues, tu es bel et bien quelque chose comme un pénitent de l’esprit ! Jadis, tu as tout misé sur la connaissance, croyant dévoiler le bonheur dans la vérité. Au point de te sentir coupable de ne pas parvenir à la dévoiler suffisamment bien, la vérité. Puis, tu t’es rendu compte que la vérité de connaissance n’était que froide, sèche, abstraite – et tout sauf synonyme de bonté et de bonheur. Et voilà que ta méchante science et conscience a fini par te glacer : en poète, tu as alors tourné ton esprit contre toi-même, tu t’es transformé, métamorphosé pour devenir un illusionniste, un faux-monnayeur : tu t’es mis à jouer les voiles, les masques, les illusions. Et te retrouver tout seul.

Je te devine bien, avec tout le monde, tu ne fais que ça : illusion. Si bien que personne n’arrive à te percer à jour. Tu uses à longueur de journées de tant de voiles et de masque que, contre toi, pour te cacher à toi-même ta propre vérité, il ne te reste pas de mensonge et de ruse : tu es toi-même tout mensonge et ruse, tu n’es toi-même qu’illusion – tu t’es par là toi-même désillusionné !

Conséquence : la seule vérité que tu as récoltée, c’est le dégoût. Tout a fini par te dégoûter. Plus un mot de toi n’est authentique, sinon ta bouche elle-même : c’est-à-dire le dégout de toute chose qui colle à ta bouche. »

« Qui es-tu donc !, a ici crié le vieil homme d’une voix de défi, avec le même ton que tout à l’heure dans son poème, quand il défiait son bourreau de dieu ! Qui a le droit de me parler comme ça à moi, moi l’homme supérieur, l’homme le plus grand qui vit aujourd’hui ? » Et un éclair vert de colère s’est décoché de son œil en direction de Zarathoustra. Mais, juste après, de tendu, solide, colérique qu’il était tout à coup devenu, il s’est soudain assoupi et, une nouvelle fois métamorphosé, il a dit, tristement :

« Ô, Zarathoustra, je suis fatigué : tu as raison, mes artifices me dégoûtent. Je ne suis pas grand. A quoi bon faire semblant, à quoi bon feindre encore et encore ! Mais, tu le sais, tu me connais bien : tout ce que j’ai fait, ma vie durant, c’est aspirer à la grandeur, vouloir et chercher la grandeur !

Je voulais représenter un grand homme, incarner l’homme supérieur, qu’on puisse admirer ; être quelqu’un en qui on puisse croire et avoir confiance. Et j’en ai convaincu plus d’un : mais ce mensonge a dépassé ma force. Voilà que, contre lui, contre sa grandeur, je me brise.

Ô Zarathoustra, tout en moi est mensonge ; tout en moi est inauthentique. Mais le fait que je me brise – cela, ma manière de me briser, est authentique, tout ce que j’ai de plus authentique ! »

« Ça t’honore, a alors dit Zarathoustra, sombre et en baissant le regard de côté. Ça t’honore que tu aies cherché la grandeur. Mais ça te trahit aussi : tu n’es en effet pas grand.

Vieil et vilain illusionniste, ce que tu as de meilleur et de plus honnête est . Ce que j’honore en toi, c’est que tu te sois, à la longue, fatigué, non pas de chercher, mais de faire semblant, de tricher ; que tu aies jeté l’éponge et avoué que tu n’étais pas grand.

En cela je t’honore comme le pénitent de l’esprit. Et même si ça n’a été que le temps d’un souffle, pendant cet unique instant, tu as été toi-même, tu as été – authentique.

Mais raconte-moi, que je comprenne : que cherches-tu ici, dans mes forêts et rochers ? Si tu t’es allongé sur mon chemin, comme ça, il doit bien y avoir une raison : en quoi voulais-tu que je te mette à l’épreuve ? En quoi voulais-tu me tenter, moi ? »

Voilà comment a parlé Zarathoustra ; et ses yeux étincelaient de malice, tant il se rendait compte que les raisons dépassent au fond les individus eux-mêmes, que tout s’inscrit dans un mouvement qui nous dépasse. Le vieil illusionniste s’est tu un moment, puis a dit, dans ce sens : « T’ai-je tenté ? Voulais-je vraiment te tenter ? A vrai dire, au fond, je ne fais rien d’autre que chercher.

Ô Zarathoustra, je cherche un homme, un homme authentique, droit, simple, univoque ; un homme de toute probité, un vase rempli de sagesse, un saint de la connaissance, un grand homme ! Un vrai !

Ne le sais-tu donc pas, ô Zarathoustra ? Je cherche… Zarathoustra. »

*

Un long silence s’est alors formé entre les deux hommes. Zarathoustra s’est plongé profondément en lui-même ; tellement qu’il en a fermé les yeux. Après un temps, il les a rouverts, s’est retourné vers son interlocuteur, l’illusionniste, a pris sa main et lui a parlé en ces termes, pleins de gentillesse, de sagesse et de malice :

« Allez ! Le chemin conduit là-haut, là où se trouve la caverne de Zarathoustra. Dans elle, tu auras tout loisir de chercher celui que tu voudrais trouver.

Et ce faisant, interroge mes animaux de compagnie, mon aigle et mon serpent : ils seront de bon conseil dans tes recherches. Mais tu verras, ma caverne est grande.

Moi-même, je n’ai pas encore rencontré de grand homme. Par contre je sais que pour ce qui est de la grandeur, l’œil des gens les plus fins est aujourd’hui encore bien grossier. C’est aujourd’hui la populace, la vulgarité qui règne. Or elle confond tout, aussi la grandeur et la petitesse.

J’en ai déjà trouvé plusieurs qui faisaient les grands hommes, qui se pavanaient, se tendaient et gonflaient pour impressionner leur monde. Et bien sûr, le peuple s’est empressé de crier : « Regardez donc : un grand homme ! » Mais à quoi bon tous les soufflets ! A quoi bon se gonfler comme une baudruche ? Le vent finit toujours par en ressortir. Ces prétendus grands hommes finissent toujours par se dégonfler. Une grenouille qui s’est longtemps gonflée finit toujours par éclater.

Piquer dans le ventre des êtres gonflés, voilà ce que j’appelle un brave passe-temps. Ecoutez-ça, vous autres garçons !

C’est aujourd’hui la populace, la vulgarité qui règne : qui sait aujourd’hui encore ce qui est grand et ce qui est petit ! Qui, aujourd’hui, cherche et trouve la grandeur ? Seul le bouffon : seul le bouffon réussit dans sa recherche ! Seul le bouffon finit aujourd’hui par avoir du succès !

Tu cherches de grands hommes, toi, étonnant bouffon ? Qui t’a appris à chercher de grands hommes ? Qui t’a appris à chercher ? Est-ce aujourd’hui le moment pour ça ? Ô toi, grave chercheur, en quoi me tentes-tu, moi ? »

Parole de Zarathoustra qui, le cœur consolé d’avoir percé à jour, apaisé et surmonté l’homme supérieur, a alors repris son chemin en riant. En riant aussi de ses dernières questions, dont il connaît mieux que personne la réponse, lui, Zarathoustra, l’enseignant de l’éternel retour du même et du surhomme, le disciple de Dionysos.

***

Traduction littérale

Illustration-vectorielle– Mais ici Zarathoustra n’a pu se contenir plus longtemps, a pris son bâton et a frappé de toutes ses forces sur le gémissant. « Arrête !, lui a-t-il crié dans un rire furieux, arrête, toi comédien ! Toi faux-monnayeur ! Toi menteur de fond en comble ! Je te reconnais bien !

Je veux bien te réchauffer les jambes, toi, grave illusionniste, à des gens comme toi je sais bien – secouer les puces ! »

– « Dégage, a dit le vieil homme et s’est levé d’un bond du sol, ne frappe plus, ô Zarathoustra ! Je ne l’ai fait comme ça que pour le jeu !

De telles choses font partie de mon art ; toi-même, j’ai voulu te mettre à l’épreuve quand je t’ai donné cette épreuve ! Et, en vérité, tu m’as bien percé à jour ! Mais toi aussi, tu ne m’as pas donné une petite épreuve de toi : tu es dur, toi, sage Zarathoustra ! Tu frappes fort, avec tes « vérités », ton bâton extorque de moi – cette vérité ! »

– « Ne me flattes pas, a répondu Zarathoustra, toujours énervé et le regard sombre, toi comédien de fond en comble ! Tu es faux : que parles-tu – de vérité !

Toi, paon des paons, toi, mer de la vanité, qu’est-ce que tu as joué devant moi, toi, grave illusionniste, à qui devais-je croire, quand tu te plaignais dans cette forme ? »

« Le pénitent de l’esprit, a dit le vieil homme, c’est lui que j’ai joué : c’est toi-même qui a, jadis, inventé ce mot –

– le poète et illusionniste, qui finit enfin par tourner son esprit contre lui-même, le métamorphosé, qui gèle de sa méchante science et conscience.

Et avoue-le donc : ça a duré longtemps jusqu’à ce que tu découvres mon art et mon mensonge. Tu as cru à ma détresse, quand tu m’as tenu la tête des deux mains, –

– je t’ai entendu gémir, « on l’a trop peu aimé, trop peu aimé ! » De t’avoir trompé à ce point, ma méchanceté en jubilait intérieurement. »

« Tu as dû en tromper des plus fins que moi, a dit durement Zarathoustra. Je ne me méfie pas des trompeurs, je dois être sans prudence : voilà comment mon sort veut qu’il en soit.

Mais toi – tu dois tromper : jusque-là, je te connais ! Tu dois toujours être à double, triple, quadruple, quintuple sens ! Même ce que tu as reconnu maintenant n’a pour moi longtemps pas été suffisamment vrai et faux !

Toi, grave faux-monnayeur, comment pourrais-tu faire autrement ! Ta maladie, tu la farderais encore quand tu te montrerais nu à ton médecin.

Voilà comment tu as fardé devant moi ton mensonge, quand tu as dit : « Je ne l’ai fait comme ça que pour le jeu ! » Il y avait aussi du sérieux là-dedans, tu es quelque chose comme un pénitent de l’esprit !

Je te devine bien : tu es devenu l’illusionniste de tous, mais contre toi il ne te reste pas de mensonge et de ruse – tu t’es toi-même désillusionné !

Tu as récolté le dégoût comme ton unique vérité. Plus un mot à toi n’est authentique, sinon ta bouche : c’est-à-dire le dégoût qui colle à ta bouche. » – –

– « Qui es-tu donc !, a ici crié le vieil illusionniste d’une voix de défi, qui a le droit de me parler comme ça, le plus grand qui vit aujourd’hui ? » – Et un éclair vert s’est décoché de son œil en direction de Zarathoustra. Mais juste après ça il s’est métamorphosé et a dit tristement :

« Ô, Zarathoustra, je suis fatigué, mes artifices me dégoûtent, je ne suis pas grand, à quoi bon feindre ! Mais, tu le sais bien – je cherchais la grandeur !

Je voulais représenter un grand homme et j’en ai convaincu beaucoup : mais ce mensonge a dépassé ma force. Contre lui je me brise.

Ô Zarathoustra, tout en moi est mensonge ; mais le fait que je me brise – cela, ma manière de me briser, est authentique ! » –

« Ça t’honore, a dit Zarathoustra, sombre et en baissant le regard de côté, ça t’honore que tu aies cherché la grandeur, mais ça te trahit aussi. Tu n’es pas grand.

Vieil et grave illusionniste, c’est ton meilleur et plus honnête, ce que j’honore en toi, que tu te sois fatigué et l’aies dit : « Je ne suis pas grand ».

En cela je t’honore comme pénitent de l’esprit : et ne serait-ce que le temps d’un souffle et moment, pendant cet unique instant, tu as été – authentique.

Mais raconte, que cherches-tu ici dans mes forêts et rochers ? Et si tu t’es allongé sur mon chemin, quelle épreuve voulais-tu de moi ? –

– en quoi voulais-tu me tenter ? » –

Voilà comment a parlé Zarathoustra, et ses yeux étincelaient. Le vieil illusionniste s’est tu un moment, puis il a dit : « T’ai-je tenté ! Je – ne fais que chercher.

Ô Zarathoustra, je cherche un homme authentique, droit, simple, univoque, un homme de toute probité, un vase de sagesse, un saint de la connaissance, un grand homme !

Ne le sais-tu donc pas, ô Zarathoustra ? Je cherche Zarathoustra. »

*

– Et ici un long silence s’est formé entre les deux ; mais Zarathoustra s’est plongé profondément en lui-même, en sorte qu’il en a fermé les yeux. Mais ensuite, se retournant sur son interlocuteur, il a pris la main de l’illusionniste et a parlé, plein de gentillesse/sagesse et de malice :

« Allez ! Le chemin conduit là-haut, là se trouve la caverne de Zarathoustra. Dans elle tu peux chercher celui que tu voudrais trouver.

Et demande conseil à mes animaux, mon aigle et mon serpent : ils doivent t’aider à chercher. Mais ma caverne est grande.

Moi-même, bien sûr, je n’ai pas encore vu de grand homme. Par contre pour ce qui est grand, l’œil des plus fins est aujourd’hui grossier. C’est le règne de la populace.

J’en ai déjà trouvé plusieurs qui se tendaient et gonflaient, et le peuple a crié : « Voyez donc, un grand homme ! » Mais en quoi tous les soufflets aident-ils donc ! Le vent finit toujours par en sortir.

Une grenouille qui s’est longtemps gonflée finit toujours par éclater. Piquer dans le ventre d’un enflé, voilà ce que j’appelle un brave passe-temps. Ecoutez-ça, vous autres garçons !

Cet aujourd’hui est celui de la populace : qui sait encore ce qui est grand, ce qui est petit ! Qui a cherché la grandeur avec succès ! Seul un bouffon : le bouffon y réussit.

Tu cherches de grands hommes, toi, étonnant bouffon ? Qui te l’a appris ? Est-ce aujourd’hui le moment pour ça ? Ô toi, grave chercheur, que – me tentes-tu ? » – –

Parole de Zarathoustra, le cœur consolé, et il a repris son chemin en riant.

***

Il s’agit ci-dessus de la seconde partie (2/2) du cinquième chapitre de la « Quatrième et dernière partie » des « Discours de Zarathoustra » du Zarathoustra de Nietzsche. Texte phusiquement réinvesti (en haut) et traduction littérale (en bas)Les autres chapitres et parties se trouvent ici.

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